Beau temps sur l’Isère

Quelle beau début de soirée !!

17h30 : abrités sous l’ombre gigantesque d’un catalpa, 200 personnes ( 98 selon la police...) écoutent le Contreband Jazz Action Valence qui s’emploie à jouer du Zappa. C’est agréable, oscillant entre un bon big band et une harmonie municipale ( quand les attaques ou les tenues sont un peu molles... ) et chacun y met du cœur. Les solistes ne cherchent pas à faire trop sophistiqué ; l’invité, le tromboniste Francesco Castellani apporte une note de créativité. Le public est content et le fait savoir.

Un tour en ville, il est encore tôt avant le concert du soir. Un bar a agrémenté sa terrasse d’un groupe de quinquas rockers qui y vont de leur «  I shot the sherif » comme au bon vieux temps de leurs vingt ans envolés. C’est l’été. Juste se laisser vivre.

19h30. Il est temps de se rapprocher du théâtre antique. Un flux de spectateurs potentiels indique le chemin. Je me dis que 3/4h avant l’heure, ça doit le faire. Eh bien non ! Il y a déjà beaucoup de monde. L’espace plan, devant la scène, là d’où on voit les musiciens grandeur nature, est comble. Ainsi que la première volée de gradins. Renseignement pris, les portes ouvrent à 18h30 ( pour un début de concert à 20h30 ) et me dit-on, des gens font la queue dès 17h30.... pour se précipiter juste devant la scène.

Je me retrouve là-haut, en plein soleil, lequel se couchera vers 21h. Là-haut, c’est carrément loin de la scène : 100 m ? Et je suis seulement au milieu du théâtre. Que verront les spectateurs tout là-haut ?
Ils verront les écrans vidéos. Deux écrans de 3 m par 4 qui flanquent le podium à droite et à gauche.

Jean-Luc Ponty, époque Frank Zappa, en vinyls...
King Kong (1969) et Overnite Sensation (1973)

Jean-Luc Ponty et son Band s’y collent dès 20h30. Plus trois cameramen qui alimentent la régie image et les écrans. Le son est puissant, rond, impeccable. Presque trop... vu la taille du violon. La distance visuelle est abolie par la puissance du son, ce qui donne une distorsion sensorielle étrange.

Il faut attendre le solo du batteur pour que, euréka !!, je comprenne enfin mon malaise. Des jeux de lumière s’enclenchent : tapis lumineux au sol, multiples lampes en fond de scène, couleur bleue générale, et comble du comble, effets spéciaux sur les écrans vidéo : superpositions, fondus-enchaînés... Mais bien sûr, c’est la star’ac !!! On est dans un studio de La Plaine Saint-Denis. Trois caméras télé sur scène, trois caméras au large. Il ne manque plus que les fumigènes et le chauffeur de salle.

Je croyais avoir déjà donné à Marciac genre la place au fond du chapiteau avec juste l’écran vidéo pour voir les musiciens. J’ai oublié que je suis déjà vacciné... et j’ai droit à un rappel salutaire.

Du coup, j’interroge mon vocabulaire : concert, spectacle, événement, divertissement, loisir industriel, ..... De quoi s’agit-il ? Où suis-je ? Dans quel état j’erre ?

Le Jean-Luc Ponty Band fait son boulot. C’est propre, sans fioritures et sans surprise. Il me vient en tête quelques souvenirs de prestations de Dominique Pifarély ou de Guillaume Roy, autres pousseurs d’archet, histoire de ne pas céder à la facilité et j’ai beau affiner mon écoute : prise de risque ? inventivité ? Que nenni.

L’Ensemble - "The Big Note..."
Zappa alchimiste. Création 2008

L’Ensemble de Basse-Normandie prend le relais. Soirée Zappa suite. Et je dois avouer que je craque au bout de 3 morceaux. Une caméra fixe en contre-plongée sur le chef d’orchestre Dominique Debart, une batterie, une basse et un clavier électriques ne suffisent pas à transformer de très bons professionnels de la musique classique en un groupe zappiste. Je ne suis pas le seul à partir avant la fin, sans même savoir si Ponty, qui joua avec Zappa, viendra se mêler à eux.

La nuit est douce. Les rockers sévissent encore. Sur Eurosport, il y a un combat de kickboxing que je regarde d’aussi loin que la scène du théâtre antique et avec autant d’émotion absente.

Que faire pour le festival 2009 ?

Soit in situ :

  • Arriver à 17.30 chaque soir pour être sûr ou presque de rester physiquement proche des musiciens, muni d’une glacière contenant le dîner complet et les boissons, des coussins, une télé portable pour le 20h, des jeux de société, une table de massage gonflable...
  • ... ou arriver à 20h et s’asseoir où c’est encore possible, avec le couvre-chef, la crème solaire, les jumelles à fort grossissement ( 10*41 au moins ), le sous-cul indispensable, quelques sous pour les boissons à la place.
  • Soit ex situ, un écran en valant un autre : aller marcher en Patagonie ET suivre le concert sur le téléphone qui ligote sans fil aucun, façon l’humain éphémère et ubiquiste du XXI ème siècle ou regarder le DVD d’un concert à la maison ( le coussin est fourni ).