"Free children" ô combien

Aarghhhh !!... Il est des soirs propices à quelques moments d’oublis sélectifs : les bessonneries autour de l’identité nationale ( quel facho suis-je ?), le questionnement lancinant autour de l’implantation massive de caméras de vidéoprotection et non plus de vidéosurveillance ( Monsieur Orwell, qui surveille ceux qui nous surveillent ? ), le retour tonitruant du thème rebattu de la sécurité ( n’y aurait-il pas des élections bientôt ?), sans parler de l’état de la planète en long, en large et en profondeur. Un truc à se suicider à petites gorgées quotidiennes de Chinon Vieilles Vignes.

Louis Sclavis
Fay sur Lignon, 2008 - Photo © Yves Dorison

Sauf que ce soir, au Triton le bien nommé ( souvenez-vous, le triton, cet intervalle de trois tons dont le surnom, au Moyen Âge fut « Diabolus in Musica » — le « Diable dans la musique »), ce n’est pas de la musique qui marche au pas. Oh non. C’est de la diabolique musique. Inventée in situ par de redoutables jouteurs et non moins free children, à savoir : Monsieur Louis SCLAVIS, clarinettes et sax soprano, Monsieur Francesco BEARZATTI, sax ténor et clarinette et Monsieur Bruno CHEVILLON à la contrebasse et aux pédales d’effet. Trois maîtres. Ils ont apporté une poignée de thèmes qui vont les mettre sur orbite pour leurs improvisations.

Que dire de ce concert ? Comme ma voisine qui, après le premier set me glisse « c’est classe !  » ?

Au moins ça et beaucoup plus. Une musique somptueuse, immédiate, généreuse, originale, qui nous tient en haleine d’un morceau à l’autre et, au sein même de chaque morceau, d’une phrase à l’autre. Ils se baladent de mélodies tendres et très harmonieuses en thèmes véloces ( et c’est rien de l’écrire ) free de chez free. Ils y vont chacun leur tour et en binômes. Sclavis et Chevillon le temps d’un duo intense, Sclavis et Bearzatti côte à côte le temps d’un truc de fous où ils ne boudent pas leur plaisir de s’empoigner musicalement, ….. Arghhhhh !!! Bonheur intense. Pour comprendre l’intensité de l’écoute et la qualité de la musique offerte, un des thèmes s’achève par un long silence avant une brève séquence finale. Ce silence est tellement long qu’on pourrait croire que c’est fini et que les musiciens goûtent les dernières résonances et qu’applaudir est bienvenu et que... Non. Le public et les musiciens restent dans ce silence... jusqu’à la vraie fin. Il y a des soupirs d’aise à la fin des morceaux comme si la chute de la belle histoire juste achevée permettaient enfin à certains de reprendre leur respiration suspendue et de retrouver la pesanteur de leur corps de terrien. Le rappel nous vaut un petit bijou de morceau joué presque à l’unisson avec quelques notes qui frottent ici ou là, paisible, avec un volume bas qui nous fait nous pencher vers eux. Mmmmmm.


> Liens !