John Coltrane est mort le 17 juillet 1967, à l’âge de 41 ans, des suites d’excès divers.
Il avait pourtant arrêté la drogue dans les année 50 en s’enfermant dans sa chambre pendant une semaine, ce que les Américains nomment « cold turkey », dinde froide.
Mais il était tombé dans d’autres travers. Son producteur Bob Thiele me confia un jour : « Trane fait tout à l’excès, ce fut la drogue et l’alcool, ensuite la pratique de son instrument – il travaille sans arrêt son saxophone, non pour la technique mais pour la création – la consommation excessive de cigares, la nourriture végétarienne ( en 65 à Juan, je l’ai vu se nourrir de jaunes d’œufs ), maintenant la religion ».

John Coltrane : "Blue Train"
Blue Note.

Reste que John Coltrane est le plus grand musicien de toute l’histoire du jazz moderne, avec Charlie Parker, Miles Davis et... Django Reinhardt.

Et le premier à avoir donné à sa musique une dimension humaniste et spirituelle. Le plus grand compositeur aussi, avec Duke Ellington, Parker toujours, Thelonious Monk, Wayne Shorter et Joe Zawinul. Les plus grands musiciens ont toujours été les plus grands compositeurs. Miles Davis étant peut-être l’exception notable.

Et comme Parker, Coltrane avait l’art de transfigurer les standards et les ballades ( My favorite things ). Mais contrairement à celui-ci, son art ne releva pas de la génération spontanée. La musique de John Coltrane fut marquée par une évolution très lente. Il a commencé, dès 1945, par tenter d’imiter Charlie Parker, justement, puis a été influencé par Dexter Gordon et Jackie McLean ( Blue train ).

C’est en signant avec Atlantic en 1959 qu’il dévoile sa personnalité et signe ses premières
oeuvres majeures ( Giant steps, Mr PC, Naima ). Tout en participant au chef-d’œuvre absolu, « Kind of blue » de Miles Davis.

John Coltrane : "Interstellar Space"

Mais c’est en passant chez Impulse, sa dernière écurie ( nous sommes en 61 ), qu’il va progressivement entrer dans une phase à la fois dictée par la violence et le racisme de la société et le mysticisme. L’intensité sauvage de ses improvisations en fit l’apôtre du « Free jazz ». Mais son militantisme se résuma à sa musique, contrairement à des musiciens extrémistes comme Archie Shepp. Et son mysticisme lui permit de réaliser le manifeste du jazz contemporain, «  A love supreme », l’amour de Dieu.

En 1965 sur la scène de la Pinède Gould de Juan-les-Pins, il en offrira la seule version live existante. Cette scène sera désormais mythique pour bien des musiciens. Le concert fut suivi d’une violente polémique, la moitié du public hurlant sa désapprobation face à une œuvre inconnue, l’autre sa frustration de n’avoir eu que 48 minutes de musique, si belle soit-elle.
Lors d’une interview qu’il m’accorda alors, il me dit qu’il ne pouvait pas aller plus loin, physiquement et artistiquement, et que d’autres musiciens le dépassaient, comme Ornette Coleman et Albert Ayler. Quelle humilité, quand on sait ce qu’il enregistra au cours, exactement, des 2 années suivantes !

En plus de cette humilité, Coltrane était un homme d’une grande humanité, qui avait une aura saisissante, et il se dégageait de lui une grande force tranquille. Il était d’une courtoisie rare et ne rechignait jamais à parler de sa musique, toujours très sérieusement.
Lors d’une précédente interview, en 1962, il m’avouait avoir un souhait : « que je joue un air et un ami malade serait guéri, que j’en joue un autre et un ami pauvre aurait de l’argent etc... ».

John Coltrane : "A love supreme"
Impulse

C’est lui qui fit engager chez Impulse bon nombre de musiciens d’avant-garde.
À partir de 1966, fatigué, il engage un autre saxophoniste ténor, Pharoah Sanders.
Afin de toute évidence que celui-ci assure la partie véhémente des improvisations et déclenche le bruit et la fureur plus encore que lui-même. Coltrane se réservant de plus les parties lyriques.

Imaginez Charlie Parker engageant un 2ème saxophoniste alto !

Certains ont même pensé que Sanders ne pouvait jouer que cela, mais on a vite réalisé, à la mort de Coltrane, que le pharaon savait être encore plus lyrique, d’un lyrisme enfiévré, voire exubérant.

Les titres des compositions qui marquent l’existence de Coltrane sont éloquents : Peace on earth, Compassion, Ascension, Dear Lord, The father the son and the holy ghost, None other, Offering, Prayer and meditation, Psalm, Song of praise, A LOVE SUPREME, AMEN.

__4__

> Liste des titres essentiels de John Coltrane :

Sélection de Michel Delorme.

Titre 

album 

Label

Année

Blue train 

Blue train

Blue Note

1957

Giant steps , Mr PC, Naima,

Giant steps 

Atlantic 

1959

So what, All blues, Flamenco sketches 

Kind of blue (Miles Davis) 

Sony 

1959

My favorite things

My favorite things

Atlantic

1960

Africa

Africa brass 

Impulse 

1961

Olé 

Olé 

Impulse 

1961

India, Spiritual,Chasin' the Trane, Impressions 

At the Village Vanguard 

Impulse 

1961

Up against the wall, 

Impressions 

Impulse 

1962

Say it 

Ballads 

Impulse 

1962

After the rain 

Impressions 

Impulse 

1962

Afro blue, The promise, Alabama 

At Birdland 

Impulse 

1963

Crescent, Lonnie's lament 

Crescent 

Impulse 

1964

A love supreme 

A love supreme 

Impulse 

1964

Welcome 

Kulu se mama 

Impulse 

1965

Ascension 

Ascension 

Impulse 

1965

Peace on earth 

Jupiter variation 

Impulse 

1966

Offering 

Expression 

Impulse 

1967