Le pianiste Omri Mor en concert à Marseille.

Mesdames et Messieurs ( et enfants s’il y en a ), je viens d’assister à l’émergence d’un pianiste et musicien de très très haut niveau.

Dans la très agréable petite salle de l’Atelier des Arts en ce 18 novembre, le pianiste se présente en compagnie de Gilad ABRO, bassiste, et de Noam DAVID, batteur.

  • D’entrée, on tombe sous le charme d’une mélodie extraordinairement belle et semblant tellement familière à l’oreille que l’on croit l’avoir déjà entendue. Un test qui ne ment pas. Cela s’appelle Shahar ( l’aube ) et je garantis un succès radiophonique immédiat ( j’allais sottement dire tube, trop synonyme de produit ). De toute évidence, nous avons là un très bon compositeur.

Suivront des morceaux puisés dans le patrimoine du bassin méditerranéen et arrangés par Omri, Farhat al cid pour le Maroc, Ramel al maya pour l’Algérie, Samai pour l’Égypte, Zidan ( sans e ! ) pour l’arabo-andalou. Il faut dire que le trio se nomme l’ANDALOUJAZZ PROJECT.

Omri Mor

Des musiques prenantes, lancinantes, tournoyantes comme mille derviches, et si chères à nos coeurs méditerranéens.

  • Après des études classiques à l’Académie de Musique de Jérusalem, Omri se frotte au jazz en compagnie d’Avishai Cohen et Arnie Lawrence. Ouvert à la diversité des musiques du monde, il va notamment se prêter à des expériences avec l’Israéli Andalus Orchestra et le Maghreb Orchestra.
  • « Faites la musique, pas la guerre », semble être son credo.
  • Dans l’éventail qu’il propose, la seule dérogation à la règle israélo-maghrébine, si j’ose dire, sera le standard You and the night and the music. Lequel se pare d’une introduction absolument somptueuse que je conseille fortement à Omri Mor de développer en un morceau à part entière. La couleur en est « bradmehldauenne » et devrait apporter au pianiste une autre pièce maîtresse à son répertoire. Quitte à trouver pour You and the night une autre intro, genre celle de Charlie Parker pour All the things you are. Ou bien la conserver et la développer à la suite du standard.
  • S’il te plaît Omri, essaye !

D’autre part, dans les festivals, concerts ou club gigs, il serait bon d’inclure des originaux connus, comme A night in Tunisia de Dizzy, Billie’s bounce de Parker ou le titre de celui-ci qu’il joua à la balance, Flamenco sketches de Miles, Olé ou India de Coltrane. Et surtout des ballades, il en existe des sublimes comme It never entered my mind, Skylark, A portrait of Jenny, My one and only love, Moonlight in Vermont, et qui ne sont pas rabâchées. C’est précisément sur les ballades que le talent d’un jazzman prend toute sa dimension... ou non. Car si l’ouverture aux musiques que présente Omri Mor est extrêmement bien perçue en ce moment, ( Joachim Kühn, Bojan Z .....), il conviendrait de ne pas en faire un unique fonds de commerce.

Mon copain Jean-Pierre, déjà fort pertinent dans le bon coup du concert Wayne Shorter, a été impressionné à juste titre par l’aisance qu’a Omri d’opérer des ruptures de tempo dans la douceur,

  • « Comme quand tout coule de source », dit-il. Quant à moi, j’ai noté avec quelle subtilité et quelle discrétion il effleure des citations de Jean-Sébastien Bach ( encore un point commun avec Kühn ), ou de Charles Mingus.
  • Bon, assez parlé d’Omri !

En la personne de Noam David, on tient un batteur d’une grande sobriété attentive qui n’est jamais meilleur que lorsqu’il se déchaîne comme dans le rappel Atlas (at last ! ). Il fut gravement handicapé par une installation technique défaillante mais assura cependant.

  • Mais on se trouve surtout en présence d’un monstre de la contrebasse avec Gilad Abro. Ce qu’il « tire », et c’est le mot juste, de l’instrument est à proprement parler phénoménal, de justesse, de force, de swing, de présence. Et c’est bien le point fort de ce trio que d’improviser des lignes mélodiques imbriquées qui balancent furieusement. Ici, la virtuosité n’est pas une fin en soit, comme chez un Oscar Peterson. Le solo de Gilad sur You and the night fut l’un des sommets du concert. Il se dégage du « couple » piano/contrebasse une complicité musicale et humaine hors-pair(e) de tous les instants, comparable à celle qui unit John Patitucci à Wayne Shorter. L’unisson, et je ne parle pas de l’acception technique du terme, est parfait et fait dire à ce perspicace de Jean-Pierre ( encore ! ) que l’on croirait qu’ils lisent une partition.

Grand moment d’émotion pour les intimes, Gilad jouait sur la contrebasse du regretté Roger Luccioni, qu’avait prêtée sa veuve Anne-Marie dont la présence honora symboliquement cette soirée. Présences « notables » également de Mme Peri-Probstein, Consul d’Israël à Marseille, de Pascale Nataf, Attachée Culturelle du Consulat, de Daniel Herman, Adjoint à la Culture du 9eme, d’Anne-Marie d’Estienne D’Orves, citée plus haut, Conseillère Municipale déléguée au Festival de Jazz des 5 Continents, entre autre, festival dont le Directeur Artistique Bernard Souroque était également présent. Il avait du reste programmé le trio au cours de l’édition 2010 du festival de l’enchanteur Palais Longchamp, et tenez-vous bien, en ouverture du faramineux quartet de Chick Corea. Enfin, présence de Kate Krasuski, de la nouvelle Agence Go Between, qui veille aux destinées d’Omri Mor.

Pour le moment, le trio s’est également produit avec succès au Sunset en juillet, au festival de la Côte d’Opale et au New Morning ce novembre.

D’omri Mor, Avishai Cohen dit « il pourrait bien devenir une des stars montantes du jazz ».
J’ajouterai pour ma part que le sommet n’est plus très loin.

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Je dédie cet article à la mémoire de mon ami Roger Luccioni (Michel Delorme)

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