"Life Directions"

Rafael Zaldivar est un pianiste d’origine cubaine établi au Québec. Et quel pianiste !

Mais attention, chez lui les racines cubaines sont complètement "naturalisées" jazz et le langage est ultra contemporain. De plus, il ne joue strictement comme personne, ce qui par les temps qui courent est un véritable petit miracle. Je vous en avais du reste touché un mot dans le compte rendu du festival Éclats d’Émail de Limoges et Yves Dorison en parle déjà dans ces colonnes (lire ici).

  • Comme personne, disais-je. Seul le grand Thelonious Monk, son idole, apparaît au détour d’une phrase, comme Mysterioso dans les thèmes des deux premiers titres, ou d’une relecture comme Four in one et Off minor. On pense aussi parfois à Bud Powell dans son côté Tatum.
    Le phrasé de Rafael Zaldivar procède par vagues, des vagues qui viennent se briser sur les récifs de la batterie de Kevin Warren, des vagues qui les submergent à l’occasion par leur puissance
  • PERCUSSIVE.
Rafael ZALDIVAR : "Life directions"
Effendi records / effendirecords.com
on aime !
  • Guajira, qui ouvre l’album, se clôt dans l’apaisement d’après tempête.
  • Delfina est une belle mélodie introspective dédiée à la Maman de ce beau bébé de près de 2 mètres !
  • Cimarron I effleure l’avant garde avant que le rouleau compresseur du piano, effet renforcé par la répétition, ne s’épanouisse en une turgescence que la batterie excite.
  • Dans Bailami changüi, Kevin Warren ponctue tellement bien le phrasé de Rafael que l’on pense à un duo piano/batterie plaqué sur le métronome de la basse de Nicolas Bédard, qui joue en outre un excellent solo, comme dans Cimarron.
  • Changing rooms est une belle mélodie chantante de Kevin Warren qu’il oublie très vite pour faire fondre un déluge dévastateur sur le morceau. Je ne suis ni Rafael ni son superviseur artistique, mais pour moi ce titre aurait dû ouvrir le disque afin de mettre les choses au point dès le départ. Je n’ai rien contre Guajira, bien au contraire, mais on commence quand même par une composition de plus de 10 minutes qui cartonne moins que Changing rooms. Et, ici tout au moins, le public est influencé par le titre qui ouvre un album.

Li, dédié à l’épouse de Rafael, est un petit bijou de beauté pure. On pense à un mix de Bill Evans et de Monk qui auraient écouté Claude Debussy ! C’est fou ce que les épouses inspirent de mélodies éternelles ( Naima/Coltrane, Aisha/McCoy Tyner, Crepuscule with Nellie/Monk ).
Les deux thèmes de Monk, une fois expédiés, nous proposent un Zaldivar tout cru. Dans Off minor, une tournure de phrase merveilleusement tordue aurait surpris Monk lui-même !

Je n’ai pas tout compris de l’utilité du 12ème et dernier titre. Le Roland alterne avec le piano pour une musique soul/funky rythmiquement très accrocheuse qui fait penser au Herbie Hancock rock, à Brian Auger ou au Freedom jazz dance d’Eddie Harris.

Désolé, j’aime trop ce disque pour ne pas avoir la franchise de dire que ce titre le défigure presque.

MAIS. Mais on peut entendre deux formidables versions live du même thème Remembering Felito sur internet ( révélations musicales 1010-2011 ), dont une de 9 minutes UNIQUEMENT au piano, et ça change tout.

Jouez ce CD très fort et arrêtez-vous après la plage 11, vous recevrez une gigantesque claque dans la poire.

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> Rafael ZALDIVAR : "Life directions" - Effendi records FND 101 - disponible sur www.effendirecords.com (commande en ligne)

Rafael Zaldivar : piano, clavier, percussions / Nicolas Bédard : contrebasse / Kevin Warren : batterie

01. Guajira / 02. Aguas de tinajon / 03. Delfina / 04. Cimarron Part One / 05. Cimarron Part Two / 06. Baila mi changui / 07. Changing Rooms / 08. Li / 09. Four In One / 10. Life Directions / 11. Off Minor / 12. Remembering Felito

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