Quelques voix du saxophone en 2011 à travers 5 disques de musiciens-leaders à la renommée plus ou moins épanouie...


  Donny McCASLIN : "Perpetual Motion"

Quand on l’a découvert au cours des années 80, Donny McCaslin était était un jeune saxophoniste chez qui l’influence du regretté maître Michael Brecker était très (trop) prégnante. Technique au top, vélocité, phrasé "à la mode" lui avaient permis de se joindre à Steps Ahead sous la houlette de Mike Mainieri ou de faire partie de quartet de Gary Burton. Les années ont passé et le temps a fait son œuvre dans le bon sens. Donny McCaslin est devenu une voix majeure du saxophone (ténor en particulier), sideman de classe dans l’orchestre de Maria Schneider, il a pu rejoindre l’équipe du trompettiste Dave Douglas qui l’accueille aujourd’hui sur son dynamique label GreenLeaf records.

Donny McCASLIN : "Perpetual Motion"
Donny McCASLIN : "Perpetual Motion"
Greenleaf Music / Orkhêstra

Sous les doigts du nouveau dieu Donny, la musique coule, agile, tempétueuse parfois, quel que soit le contexte. Pour "Perpetual Motion", il a pris une option intelligemment actuelle dans la forme mais toujours solidement agrippée aux courants historiques du jazz pour le fond. Aujourd’hui, c’est plutôt du côté de Rollins qu’on imagine les ancrages de Donny / Sonny. Rollins a pu s’emparer de musiques caraïbes pour en faire des monuments de jazz. McCaslin réussit un tour de force semblable avec des rythmes funk, des ambiances parfois composites et électriques. Peu importe l’apparence, la solidité du discours force l’admiration et incite à adhérer sans hésitation à ce projet qui aurait bien pu n’être qu’un ramassis de clichés, de déjà entendu. L’intention est portée par une force créatrice qui nous a capté/captivé d’entrée de jeu.
Donny McCaslin se caractérise aujourd’hui par une aisance technique hors-pair qu’il dépasse pour laisser aller son imagination et nous entraîner dans un parcours de funambule avec un phrasé qui explore avec gourmandise les moindres recoins de la tessiture de l’instrument. Un des rares à oser des graves qui vibrent en profondeur avant de s’envoler dans des aigus stratosphériques par des chemins parsemés de turbulences.
L’équipe réunie ici est de tout premier ordre avec deux batteurs de haut vol : Antonio Sanchez sur une moitié du disque et Mark Giuliana (découvert auprès d’Avishai Cohen) pour finir.
Un disque dont l’écoute est vivement préconisée. Si les options esthétiques électriques supervisées par le saxophoniste David Binney risquent de décevoir certains, la prestation du saxophoniste ne devrait pas laisser de marbre !


  Tuesday WARREN : "Reflections of forever"

Tuesday WARREN : "Reflections of forever"
Tuesday WARREN : "Reflections of forever"
JazZDesign-Record / CD Baby

Tuesday Warren, saxophoniste américain installé en France depuis quelques années, nous propose un nouvel album assez atypique. Il se laisse porter par une aspiration méditative et ne manque pas d’inspiration pour composer un ensemble de pièces littéralement hors du temps.

  • Laissant de côté les références aux altistes post-parkeriens, il met en avant la profondeur et le lyrisme d’un phrasé fluide sur des mélodies inspirées de musiques religieuses médiévales.

À l’origine de ce projet, le souvenir de la découverte, en Norvège, de l’album de Jan Garbarek Officium et une fascination pour l’atmosphère de cimetières. Les dix titres de ce disque font chacun référence à une tombe du cimetière du Père Lachaise. Une certaine idée de l’intemporalité présentée avec une force spirituelle indéniable servie par la cohésion d’un quartet très soudé. Damien Argentieri souligne les mélodies et les porte par un jeu de piano qui combine précision, et inventivité mélodique. Très belle partie de contrebasse, souvent à l’archet, assurée par Fabrizio Nicolas avec le soutien du batteur Benoist Raffin, plutôt orienté vers un rôle de percussionniste coloriste dans ce contexte.

Ces réflexions autour de la notion d’éternité nous semblent dignes d’intérêt pour la singularité du propos et les qualités indiscutables du soliste-leader.


  Alain DEBIOSSAT : "Valse et attrape"

Alain DEBIOSSAT : "Valse et attrape"
Alain DEBIOSSAT : "Valse et attrape"
Futur Acoustic / Harmonia Mundi

Le sax de Sixun s’élance en solo égrainant une suite de valses et de danses colorées.

  • Ça commence très fort avec un Zanao du feu de Dieu, funky, nerveux et vraiment tonique. Par la suite, le soufflet se dégonfle un peu malgré la présence de bons accordéonistes qui donnent le meilleur d’eux-mêmes. Alain Debiossat se laisserait-il entraîner dans sa rêverie ?

L’idée est toujours séduisante (mais pas nouvelle) : fusionner les musiques de ses racines bien françaises et la tentation des rythmes de des mélodies dansantes des tropiques. Les musiciens sont irréprochables et on perçoit une vraie complicité esthétique entre ces copains qui se retrouvent de plage en plage au gré des thématiques. Seulement, l’audace et la fougue créative semblent un peu atténuées par le désir de plaire sans brusquer...

Une mention spéciale pour la remarquable présence du contrebassiste Diego Imbert qui apporte un ce disque une touche boisée et swinguante qui contribue à tirer cette musique vers les rives du jazz.


  César POIRIER Sextet : "Hôppo"

César POIRIER Sextet : "Hôppo"
César POIRIER Sextet : "Hôppo"
Autoproduction

Le saxophoniste alto César Poirier appartient à cette catégorie de jeunes musiciens français qui perpétuent une certaine tradition du jazz des années 50/60, étiqueté be-bop, hard-bop, funky & C°... Il n’est pas surprenant alors qu’on retrouve à ses côtés le brillant trompettiste Fabien Mary, toujours prêt à donner le meilleur dans ces contextes.
Dans cet album auto-produit, enregistré il y a quatre ans mais publié aujourd’hui, on apprécie la prise de distance par rapport aux modèles de référence. Les musiciens ne tentent pas de reproduire un style figé, il y apportent une bouffée d’oxygène juvénile qui ne manque pas d’attirer l’attention de l’auditeur. On notera que les compositions de César Poirier (5 sur les 8 plages) ne manquent pas de style et ne font pas pâle figure aux côtés de Kurt Weill (September song), Jackie McLean (Little Melonae) et Sonny Clapp (Girl of My Dream).
Aujourd’hui, en 2011, cette formation a évolué et sa composition diffère quelque peu de celle que propose ce disque mais il ne faudra pas manquer d’aller les écouter sur scène. Ils méritent sans doute une écoute en "live".


  David FETTMANN Quartet : "Prélude"

David Fettmann Quartet : "Prelude"
David Fettmann Quartet : "Prelude"
Double Moon / Integral

L’axe franco-allemand existe encore, la preuve avec ce disque du strasbourgeois David Fettmann qui paraît sur un label d’Outre-Rhin (Double Moon) avec la complicité d’un pianiste également germanique (Sebastian Sternal).
Né en 1978, David Fettmann n’est pas un nouveau venu, même si ce Prélude (le bien nommé) est son premier opus en tant que leader. Après un cursus de formation musicale très européen (France, Pays-Bas, Belgique), il s’est trouvé une bonne place en intégrant l’Orchestre de Jazz de la Musique de l’Armée de l’Air que dirige Stan Laferriere tout en menant des activités d’enseignant.
Voilà donc un musicien sans doute rigoureux et sérieux qui ne livre pas pour autant une musique rigide, bien au contraire. David Fettmann signe la majorité des compositions de ce disque qui nous emmènent dans un univers où le swing des racines s’encanaille aux confins de la pop sans aucune mièvrerie.
Prélude est un bel album à l’esthétique sobre, dans l’air de ce temps où le jazz flirte avec des musiques sérieuses ou plus légères pour se faire une nouvelle jeunesse.
À écouter... et plus si affinités !

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  > Les références :

> Donny McCASLIN : "Perpetual Motion" - Greenleaf Music - Distribution Orkhêstra

Donny McCaslin : saxophone ténor / Adam Benjamin : Fender rhodes & piano / Tim Lefebvre : basse électrique / Antonio Sanchez : batterie / Mark Guiliana : batterie / Uri Caine : piano & fender rhodes / David Binney : saxophone alto et électronique

Enregistré à New-York en septembre 2010.

01. Five Hands Down / 02. Perpetual Motion / 03. Claire /04. Firefly / 05. Energy Generation / 06. Memphis Redux / 07. L.Z.C.M. / 08. East Bay Grit / 09. Impossible Machine / 10. For Someone


> Tuesday WARREN : "Reflections of forever" - JazZDesign-Record Label TLQ008 - distribué par CD Baby

Tuesday Warren : saxophone alto / Damien Argentieri : piano / Fabricio Nicolas : contebasse / Benoist Raffin : batterie

01. Allegory of Light / 02. The Procession / 03. Sketches in Grey / 04. If Only / 05. A Misunderstanding / 06. Left Unsaid / 07. Never Having Known / 08. Some of Which Have Blown Away / 09. Unnoticed / 10. Fading Forward

Enregistré en octobre 2010.


> Alain DEBIOSSAT : "Valse et attrape" - Futur Acoustic F217 - distribution Harmonia Mundi

Alain Debiossat : saxophones, flûte, guitare rythmique / Diego Imbert : contrebasse / Stéphane Édouard : percussions /+/ Claude Egéa : trompette / Paco Sery : congas / Didier Ithussarry : accordéon / Jean-Pierr Como : synthé / Louis Winsberg : guitare / Jean-Claude Kely : kabôsy et chant / Olivier Témime : saxophone / Lionel Suarez : accordéon / Matthis Pascaud : guitare / Michel Alibo : basse / René Lacaille : cordéon

01. Zanao / 02. Troubadour blues / 03. Vignane / 04. Sommeil de l’Ange / 05. NoSpeed / 06. Terres Bleues / 07. Gala de Prestige / 08. Phase / 09. Valserie / 10. Why did you choose these shoes ? / 11. La Joliette


> César POIRIER Sextet : "Hôppo" - Autoproduction - contact courriel - et www.myspace.com/orgerus

César Poirier : saxophone alto / Grégory Delétang : saxophone ténor / Fabien Mary : trompette / Marc Benhamou : piano / Cédric Caillaud : contrebasse / Stéphane Chandelier : batterie / Stéphane Vasnier : piano sur 2, 3 et 8

01. Orgerus / 02. Hôppo / 03. Flemmeville / 04. Little Melonae (J. McLean) / 05. September Song (K. Weill) / 06. Eudes / 07. SFP / 08. Girl of my dreams (S. Clapp)

Enregistré en février 2007


> David Fettmann Quartet : "Prelude" - Double Moon Records DMCHR71091 - Distribution Integral - www.integralmusic.fr

David Fettmann : saxophones alto et soprano, compositions sauf 1, 7 et 8 / Sebastian Sternal : piano / Sebastien Maire : contrebasse / Julien Kolly : batterie

01. Will’s Blues (S. Sternal) / 02. Playground / 03. Minimal / 04. Pisces / 05. Prelude / 06. Aquarius / 07. Lichtspielhaus (S. Sternal) / 08. This Love Affair (R. Wainwright)


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