Le Triton ne connaît pas la trêve (électorale...). La semaine précédente même endroit même heure, "Poète, vos papiers" et ce soir-là, les chansons de Sade...
Enfin, se disait-il, enfin un jour et une soirée où la tête, les oreilles et le reste se reposent du matraquage préélectoral digne d’une compagnie de CRS enjoués et mutins dispersant une manif non violente. Plus une invective, plus un bas coup bas, plus d’absence de bilan, plus de perroquets à la voix de son (petit) maître.... Pfff, enfin écouter le bruit de son cerveau à soi. Au moins jusqu’au lendemain à 20h. Pourquoi ne pas en profiter pour écouter de la musique, de celle qui adoucit les mœurs sévères, arrondit les angles droits et rend le monde fréquentable ?
Eh bien, c’est raté. Le Triton ne connaît pas la trêve, il fait dans l’éducation forcenée des masses laborieuses. Pensez donc : la semaine dernière même endroit même heure : "Poète, vos papiers" et ce soir, "Sade Songs". Les chansons de Sade. Non, pas Sade-Chadé, la Sade de Smooth Operator ou de Never as good as the first time. Non. Sade, Donatien Alphonse François de, dit le divin marquis.
Faut-il le dire ?
Le Triton n’a pas viré sa cuti et sombré dans le libertinage sordide.
Le Triton n’est pas devenu, même l’espace d’un soir, un live theater surchauffé, poisseux et glaireux.
Ceux qui sont venus se rincer l’œil aux contorsions dénudées et érotico-libidineuses de la chanteuse se sont fourrés un doigt dans l’œil ("c’est toujours ça de pris", ont-ils ruminé, tels des banquiers qui se gavent aux milliards de la BCE à 1% ).
Ce soir, il n’y eut pas de fornication sur scène, seulement l’interpénétration de textes de Sade ( Donatien Alphonse François de) et des compositions de Jean-Rémi GUÉDON ainsi que la fertilisation croisée des talents de ARCHIMUSIC à savoir un quatuor de bois : Vincent ARNOULT au hautbois , Véronique FÈVRE à la clarinette, Emmanuelle BRUNAT à la clarinette basse, Vincent REYNAUD au basson et un quartet de jazz : Jean-Rémy GUÉDON saxophones et direction, Brice PICHARD aux trompette et bugle, Yves ROUSSEAU à la contrebasse, David POURADIER-DUTHEIL à la batterie. Et Élise CARON au chant, imprécations et soliloques.
Seule devant l’orchestre, sur un haut tabouret, avec ses loooongues jambes montant du sol au paradis : celui de sa voix, de sa diction, de son jeu de comédienne.
La vertu de ce programme a consisté à nous remettre en mémoire l’amour insatiable de Sade pour la liberté et les lois justes ( entre autres ), ce qui sonne étrangement, deux siècles -à deux ans près - après sa mort, dans notre monde au contrôle social exacerbé bercé par le cri des caméras "Dormez, bonnes gens, vous êtes vidéoprotégés", le clin d’œil des radars et les puces RFID de géolocalisation.
Le premier morceau (C’est maintenant) fut nécessaire pour caler l’écoute : s’agit-il de privilégier le texte de la chanteuse, la musique de l’octet ? Les écouter simultanément ? Séparément ? Les paroles racontent-elle vraiment quelque chose ? Cette attaque de la clarinette basse, que souligne-t-elle ? Et le basson, à quoi contribue-t-il là maintenant ?
Une fois ce réglage réalisé, se laisser les écouter. ARCHIMUSIC, c’est aussi une musique d’archi qui fait dans la dentelle : Alençon, Argentan, Bayeux, Calais, Sedan, Lunéville, Valenciennes... tous les points sont permis ( et le permis à points , ouarfff... ). C’est précis, millimétré, enlevé, inspiré. D’un côté, la musique écrite ( accroche-toi à l’anche, ça fonce !! ), de l’autre l’écrit et les impros. Mélange réussi, prenant, tonique, couasi jubilatoire. Au point que mon voisin, un drôle au look de Verlaine, scande avec force : "Caron-Guédon-Caron-Guédon".
Le tout se termine comme il a commencé, par C’est maintenant joué en rappel. Sans intention particulière. Quoique ?...
> Le Triton - 93, Les Lilas - Samedi 21 avril 2012.
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> Une vidéo présentant des extraits du spectacle "Sade Songs" (www.archimusic.com)
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