3 soirées bien différentes à l’Atelier du Plateau.

Du 5 au 7 juin, le saxophoniste François Corneloup disposait de trois soirées à l’Atelier du Plateau (Paris 19e) pour décliner des "Synesthésies" contrastées.

François CORNELOUP - Synesthésie(s)

François Corneloup - Brême, avril 2012
© Yves Dorison

et d’une !!

Selon le petit Robert et le gros Gérard, on entend par synesthésie, l’association, dans une même expression, de sensations venant de domaines sensoriels différents. Sans même y penser, nous disons : une couleur criarde, un savoureux parfum, un murmure mauve, une musique goûteuse... Sans oublier Baudelaire et son vers « Les parfums, les couleurs et les sons se répondent ».
François CORNELOUP et son sax baryton s’installent trois soirs de suite à l’Atelier du Plateau le bien nommé car, toujours d’après Robert et Gérard, un plateau, « on le trouve au-dessus et la rivière tout en bas. Menfin. »
Pour le premier soir, une nouvelle de Julio Cortazar « L’homme à l’affût », sert de prétexte à la rencontre avec Martine AMANIEU, comédienne.
Elle lit, il joue.
Elle debout, lui assis.
Elle avec son texte pincé au pupitre ; lui avec ses idées planquées en vrac sous son chapeau rigolo.
Qu’est-ce qu’on écoute : le texte ? La musique ? L’un après l’autre ? Les deux ensemble ? Ils nous la font en mode stéréo et limite double induction hypnotique, une par cerveau.
Elle lit, il joue.
Elle lit comme à un public tout proche, il joue les yeux fermés, un truc qui serpente, s’allonge, se rompt, se renoue, cesse.
Parfois, elle s’arrête, il pousse alors son idée plus haut, plus fort, plus vite qu’il arrête en plein vol pour laisser le texte redémarrer.
Elle s’enflamme, il souffle sur les braises ; elle se calme, lui aussi.
Une heure intense pour découvrir la vie de Johnny, de son sax perdu, de Camarillo, de la marquise Tica, etc....Une heure aussi intense que la courte vie de Charlie Parker.


Synesthésie 2 : "Le peuple étincelle"

François Corneloup - Le Mans, mai 2011
© CultureJazz.fr

François CORNELOUP a réuni Fabrice VIERA à la guitare et au chant, Éric DUBOSC à la basse acoustique, Michaël GYRE à l’accordéon et Fawsi BERGER au zabumba pour cette soirée intitulée « Le peuple étincelle ». _ Où il est question du Peuple, non pas celui des nantis dont la musique savante et formolée s’écoute dans la bulle insonorisée d’une grosse berline allemande mais celui des petites gens modestes, les pue-la-sueur, les qui lèvent le coude et parlent trop fort, celles qui tissent cette mémoire-là venue du bistrot, de la fête d’un soir de printemps, de coups d’entraide et d’engueulades mémorables, de la vie comme elle va quand on n’a pas grand chose sauf la vie-merci.
CORNELOUP, fort inspiré sous son chapeau rigolo, a écrit une série de mélodies simples et belles comme des ritournelles ( ce qui ne veut pas dire que les jouer relève de la promenade de santé !!! ) dont la forme couplet-refrain permet de les faire tourner aussi longtemps qu’on le souhaite et d’en proposer de multiples variations.
On imagine les Soeurs Goadec chanter un kan an diskan infini le temps que les hommes dansent et dament le sol de la cuisine, on entend les Z’Embruns d’Comptoirs faire chalouper tout au long du bar de Chez Fanch, les hommes revenus vivants de la campagne de pêche ; les rythmes ternaires et langoureux invitent au déhanché sensuel, les rythmes lents au frotti-frotta, y’ du câlin dans l’air du soir : biguine, zouk, valse, merengue, forro.... Les bistrots du monde clignotent : La Casa, Le Panier Fleuri, Les clochards Célestes, Chez Denise, …. Voyage qui s’achève dans un grand plaisir partagé au fond de cette impasse qui porte si mal son nom.


Synesthésie 3 : "Singing fellows"

Franck Tortiller, à Tours le 12 novembre 2010
© CultureJazz

Dernière soirée du parcours Synesthésie de et avec François CORNELOUP au sax baryton qui reçoit Franck TORTILLER, ses mailloches, son vibraphone et son marimba pour un concert « Singing Fellows ». Une amicale empoignade entre l’invité oeuvrant dans le plan horizontal de ses longs claviers et l’hôte dans la quasi verticale de son tuyau double. Une histoire de complicité, de proximité et de complémentarité.
Deux immenses mélodistes qui, une fois les thèmes exposés, prennent le temps de raconter, de broder, de revenir au petit détail qu’on pourrait avoir oublié, d’aller au bout du bout de leur récit avant de se soutenir sans réserve. Il y a du point de Calais dans leur musique.
Tortiller en quelques coups précis, lance un rythme, une houle, répète le truc une ou deux fois et hop ! Souffle mon coco !!!
Corneloup en termine avec son solo et s’efface en se rabattant tantôt sur la ligne de basses, tantôt sur les notes-clés tenues ou posées. Quand il s’évade dans un trip imprévu, loin dedans lui, Tortiller le regarde, écoute, tapote pianissimo une nappe de sons le temps de retrouver un appui harmonique et attend sans s’en faire : le souffleur va finir par remonter à la surface de lui-même, la tête au milieu des bulles.

François Corneloup - Le Mans, mai 2011
© CultureJazz.fr


Ils nous jouent du tempo moyen, du rapide (une valse échevelée se glisse dans leur programme), du lent.
C’est épatant.

> 5, 6 et 7 juin 2012 à L’Atelier du Plateau - 5, Rue Du Plateau - Paris 75019


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