Tableau-Concert : "Le Triomphe de la Mort" de Pieter Bruegel l’Ancien

La bonne musique ne connait pas les vacances, les bons spectacles non plus. L’élan créatif du collectif ARFI (Association à la Recherche d’un Folklore Imaginaire - Lyon), est porteur de cet adage puisqu’il revient cet été avec sa fresque musicale "À La Vie La Mort". Après s’être produit à l’amphi de l’Opéra de Lyon, au théâtre du petit David près des berges de la Saône, à la salle Iris de Francheville dans le cadre du festival Fort en Jazz et au Centre Charlie Chaplin de Vaulx-en-Velin. Le retour se fera cette fois-ci dans deux lieux limitrophes au département du Rhône. Tout d’abord c’est le 12 août 2012 au Festival sur Lignon à Fay sur Lignon (43), ensuite le 25 août 2012 au Festival A La Folie Pas Du Tout au Monastère royal de Brou à Bourg-en-Bresse (01).

Collectif ARFI : À La Vie La Mort
Collectif ARFI : À La Vie La Mort
© Jérôme Lopez - ARFI

Nous pourrons voir se déployer à nouveau la toile du peintre Pieter Bruegel l’Ancien « Le Triomphe de la Mort », celui que l’on appelait le nouveau Jérôme Bosch. Quatre musiciens se tiendront derrière un écran transparent où sera projeté l’ensemble du tableau. Des parties isolées de celui-ci apparaitront par moments, avec une clarté presque microscopique.
Jean Aussanaire de l’ARFI aux saxophones.
Jean Mereu de l’ARFI à la trompette.
Laurence Bourdin (musicienne invitée) à la vielle à roue.
Bernard Santacruz (musicien invité) à la contrebasse.

Nous recevrons de ces acteurs masqués par les détails de la projection, dont on ne distinguera que les silhouettes, des particules de notes qui viendront faire rapidement résonner un écho de magnificat. Ils accompagneront notre observation de la structure picturale, par une sorte de rayonnement contemplatif où ils deviendront les propagateurs d’un cérémonial sans âge, entre ciel et terre, entre vie et mort. Des morceaux de toile nous apparaitront suspendus dans l’espace. La précision des lumières donnera l’efficacité aux images.

Beauté étrange et fascinante de cette peinture à laquelle nous succomberons. On se sentira happé tout au long du spectacle, par cet envoutement démesuré sur lequel il planera des allures d’inquisition. La cruauté, la mort, le ricanement du corps ténébreux mis ainsi en exergue. Une prodigieuse barbarie se déroulera dans un impitoyable réquisitoire implicite contre la guerre. L’homme vacillera dès qu’il tentera de se relever sous les coups, pour mourir méthodiquement sous le regard joyeux de son bourreau.
Dans cet échange entre narcissisme de Vie et narcissisme de Mort, chacun défendra ou subira sa position avec la posture qui lui incombe.
Ce cycle de vie et de mort est inscrit dans la scénographie du spectacle. La musique nous y conduit inévitablement. C’est cette tension que l’on peut discerner entre la coulée simultanée des instruments qui accompagnent ce cortège et qui miment alors une puissante allégorie évoquant les représentations médiévales des danses macabres. La mort fauchera toute initiative corporelle symbole de liberté.

Dans ce dédale aux ombres moyenâgeuses, le jazz viendra jouer la mouche du coche et ne se laissera pas prendre en otage par ce drame brutal, qui se déroule à la manière d’un homicide industriel. Il creusera son sillon au beau milieu de la vielle à roue, l’emblème le plus immédiat du Moyen Âge qui susurrera inlassablement sa vision des scènes mortelles archaïques. À un moment où la planète passe encore son temps à guerroyer, ce témoignage a une valeur historique pour la race humaine.

Laurence Bourdin et Jean Aussanaire : À la Vie la Mort.
Laurence Bourdin et Jean Aussanaire : À la Vie la Mort.
© Jérôme Lopez - ARFI

La construction descriptive de l’ARFI, fera accentuer l’œil sur l’œuvre d’art dans une parfaite représentation, pour en délivrer sa puissante intuition dévastatrice. Ce chaos persistera à devenir au final, juste un crime de lèse-beauté accompli par une conscience musicale vertueuse.
En sortant d’un tel moment on se dit que cela ressemblait à une alerte à l’humanité dans son ensemble. Cette musique fournit ce principe d’accaparation qui donne une caution savante au concert, en laissant une chance échappatoire à l’éternel pouvoir charismatique dévolue aux instruments qui s’ajustent à une libre circulation d’idées. Cette dramaturgie est traitée selon un rituel à mille lieux d’un divertissement frivole. La musique vient creuser la narration au rythme des impressions visuelles, porteuses d’une prégnante démence, qui ne peuvent ravir que les chevaliers de Thanatos de la planète.

Nous devrions retrouver cet automne un DVD de l’aventure Tableau-Concert. Mais il ne faut pas manquer de voir en grandeur nature, la force expansive et le caractère profond qui font de cette pièce une pénombre où se joue une tyrannie à dimension terrestre, qui jouxte furieusement avec l’actualité dominante. Nous ne pouvons que vous conseiller de vous laisser tenter en venant voir de plus près à quoi ressemble ce dialogue entre deux arts majeurs, dans la vraie Vie.


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