Depuis 2008, Marc Ducret s’est lancé l’aventure des "Towers" : trois disques, trois groupes jouant la même musique. Les arrangements diffèrent. En concert...
Depuis 2008, Marc Ducret (Paris 1957) s’est lancé dans une aventure musicale qui a donné naissance à trois disques, trois groupes jouant la même musique avec des arrangements différents, Tower vol. 1 (2010), Tower vol. 2 (2010) et Tower vol. 3 (2012), auquel s’est ajouté un disque de guitare solo (2011-2012) et, s’ajoutera probablement un volume 5, reflet des concerts de novembre 2012, où tous les groupes ont joué ensemble.
Le point d’inspiration de cette œuvre est une page d’Ada, roman de Vladimir Nabokov (1899-1977), dans lequel une petite fille précoce explique sa philosophie de la vie, à travers un langage privé qu’elle confie à l’autre personnage du roman, son cousin.
Le roman de Nabokov (1969) raconte la vie de ces deux personnages, d’une manière non chronologique, les personnages intervenant dans le récit ; il est parfois difficile de savoir le moment où se passe ce que l’on lit. Le style de Nabokov, si précis et chatoyant, comme l’ambiance de luxe, appellerait plutôt une musique comme celle de Paul Desmond avec Jim Hall. Mais Marc Ducret n’a pas fait une musique illustrative, il a voulu utiliser les techniques littéraires de l’auteur dans la musique pour lui rendre un hommage, comme il s’en est expliqué longuement dans une interview de Jazz-Magazine (novembre 2012, n̊ 643, p. 39-42).
À la Dynamo, étaient annoncés les groupes des volumes 1 et 3, c’est à dire un sextet franco-français et un quintet franco-danois, avec deux musiciens communs, ce qui faisait aussi un orchestre de 10 musiciens.
Le programme a débuté, comme il est de coutume dans les concerts de Ducret, par Sur l’électricité, qu’ont suivi Real Thing I et après l’entr’acte Softly her tower crumbled in the sweet silent sun, Real Thing 2 et Real Thing 3 et un rappel.
Après avoir joué Softly ..., Marc Ducret a expliqué que c’était une sorte de musique descriptive, une musique sur la disparition. Ce titre est la dernière phrase du chapitre 12 d’Ada et il s’agit d’une métaphore, et non de la destruction d’un tas de pierres, ce qui explique cette musique paisible, faite de longues notes tenues, la disparition lente d’un moment de bonheur.
L’ensemble instrumental est original avec un piano, parfois trafiqué électroniquement, beaucoup de percussion, un saxo basse qui assure un rôle déterminant dans la pulsion du groupe - grâce à un souffle inépuisable, il joue des notes liées avec des nuances dynamiques, là où les pizzicati d’une basse à cordes risquent de seulement marquer le rythme et non pas le propulser, c’est alors la combinaison avec la batterie qui assure une pulsion. La présence de plusieurs trombones donne aux différentes fanfares qui ponctuent les thèmes et à leurs interventions comme un effet considérable à cause de la tessiture grave des instruments, la trompette ne pouvant que jouer un rôle de ponctuation dans l’aigu. Il y eu des solos de Matthias Mahler, Antonin Rayon, Kasper Tranberg.
La structure de chaque morceaux alterne des passages où seulement quelques instruments jouent, comme hors tempo, hors du temps même, puis des ensembles, des rythmes anguleux, décalés. Les deux groupes jouent alternativement, successivement, ensemble, ce qui est le principe de cette musique, jouer les mêmes compositions dans des formations différentes et avec des arrangements différents.
Pivot musical et âme directrice de la musique, son compositeur, Marc Ducret, dont on ne dira jamais assez quel formidable guitariste il est, joue quasiment toujours, accompagnant, duettant, prenant des solos. Le début du concert en duo avec le saxo basse a été un grand moment, comme au deuxième set un solo guitare - piano trafiqué. La musique souigne [groove] par le décalage de lignes bancales qui tombent juste. C’est un alliage de la tradition (BAM) et des apports des musiques européennes. Un grand moment de musique, très fortement apprécié par le public.
Quelques places libres sur les côtés, une chaleur forcenée. C’était le dernier jour de résistance de l’été et avec la nuit la froidure de l’automne s’est imposée. Fin du concert à 23.15.
> Tower 1 : Marc Ducret : guitare et direction / Kasper Tranberg : trompette / Matthias Mahler : trombone / Frédéric Gastard : saxophone basse / Peter Bruun : batterie.
> Tower 2 : Marc Ducret : guitare / Antonin Rayon : piano / Sylvain Lemêtre : percussion / Christiane Bopp, Matthias Mahler, Alexis Persignan : trombone.
La Dynamo de Pantin, 9 octobre 2013 à 20.30
> Les disques de la série "Tower", chez Ayler Records :
Marc Ducret - Tower, vol.1 > 1 CD aylCD-118 / Orkhêstra Marc Ducret : guitare / Kasper Tranberg : trompette / Matthias Mahler : trombone / Fred Gastard : saxophone basse / Peter Bruun : batterie 01. Real Thing #1 / 02. Real Thing #2 / 03. Interlude : L’Ombra di Verdi // Enregistré en concert à Tours en 2010. |
Marc Ducret - Tower, vol.2 > 1 CD aylCD-119 / Orkhêstra Marc Ducret : guitare / Tim Berne : saxophone alto / Dominique Pifarély : violon / Tom Rainey : batterie 01. Sur l’Electricité / 02. Real Thing #3 / 03. Softly Her Tower Crumbled in the Sweet Silent Sun // Enregistré en studio à Malakoff (France) en septembre 2010. |
Marc Ducret - Tower, vol.3 > 1 CD aylCD-120 / Orkhêstra Marc Ducret : guitare / Fidel Fourneyron : trombone / Sylvain Lemêtre : vibraphone, xylophone, marimba, percussion / Matthias Mahler : trombone / Alexis Persigan : trombone / Antonin Rayon : piano, celesta 01. Real Thing #1 / 2. Real Thing #2 / 3. Real Thing #3 / 4. Softly Her Tower Crumbled in the Sweet Silent Sun // Enregistré en concert à Paris en décembre 2012. |
Marc Ducret - Tower, vol.4 > 1 CD aylCD-121 / Orkhêstra Marc Ducret : guitares acoustiques 01. From a Distant Land / 02. Sur l’Electricité / 03. Sisters / 04. Real Thing #2 / 05. Real Thing #1 / 06. Ada / 07. ... A Distand Land / 08. Sybil Vane / 09. Electricity // Enregistré à la Civitella Ranieri Foundation d’Umbertide en Italie en mai 2011 et dans la cuisine de Matthieu Metzger (!) en février 2012. |
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