The LS JAZZ Project vendredi 11 octobre 2013

Nous aussi avons fait notre rentrée des classes, enfin presque, juste le temps d’une soirée, sans cours magistraux. Notre rencontre de ce soir se fait de deux contenus, deux genres, presque deux horizons qui se sont vus souvent réunis. La Chanson et le Jazz ont une histoire en commun qui s’allie sous des formes enrichissantes se nourrissant l’une de l’autre. Une voix qui manie des mots soutenue par un instrumentiste qui rajoute sa sève expressive.

Sienna Dalhen à Lyon - octobre 2013
© The LS Jazz Project

Les souvenirs de cet exercice sont nombreux. Celui qui revient pour la rareté qu’il représente, nous renvoie à une rencontre entre deux hommes pliés dans le refus du formatage qui nous est imposé aujourd’hui au quotidien sur des ondes radiophoniques. Il concerne Jacques Bertin un chanteur au déterminisme scrupuleux, sculpté à l’exigence forcené, qui mariait sa voix aux notes envoûtantes et époustouflantes du pianiste Jazz Siegfried Kessler. Enveloppé sous sa cuirasse noire il se produira d’ailleurs lors du premier Printemps de Bourges en 1977 aux côtés du chanteur et du contrebassiste Didier Levallet. Ce dernier se retrouvera dans cette même salle où nous nous trouvons ce soir le 25 avril prochain. Nous gardons souvent un souvenir rempli d’une émotion secrète, qui vient se rappeler à nous aux détours de rendez-vous comme celui auquel nous sommes conviés en cette fin de journée. Il y a sûrement des traces à évacuer pour entrer à nouveau dans un nouvel univers afin de s’y fondre au mieux, au plus près. La musique requiert une part de mystère que rien ni personne ne peut expliquer objectivement d’un individu à un autre. Simplement on y retourne inlassablement à chaque fois avec cette recherche de ces moments intouchables, pour y retrouver des sensations que seule la magnétique source musicale produit. Nous transperçant en toute innocence et s’immisçant en nous d’une profondeur ultime.

Sienna Dalhen à Lyon - octobre 2013
© The LS Jazz Project

Au moins, preuve est de constater avant que ne démarre ce concert, qu’il y a de la pulsion de vie dans l’air. La jeunesse laisse échapper un certain état d’excitation au milieu des prémices préparatoires à l’idée de ce qui va suivre. En gros ça change des concerts jazz lorsque les gens sont là et font la tronche, perchés sur une allure d’adulte pontifiant. Quand cette musique réclame toutes les ouvertures imaginables de l’esprit.

Loin des préoccupations scolaires, Sienna Dahlen parait avec une simplicité sereine de gestes, loin des caricaturales chanteuses qui axent tout sur la séduction brute de décoffrage. Dans la pénombre où l’obscurité ne viendra être trahie que par le feu de quelques projecteurs, les trois instrumentistes jouent instantanément sans se laisser le temps de la réflexion. La voix déploie cette brume vocale qui vous entoure de sa parure pour mieux vous envelopper. Pierre Perchaud à la guitare électrique, Matyas Szandaï à la contrebasse et Karl Jannuska à la batterie lui concoctent un lit musical dans lequel elle peut se glisser pour s’y mouvoir d’une délicate hardiesse. La formule devient vite familière, ils l’érigent selon une parfaite méthodologie assez efficace pour venir féconder la voix de la chanteuse. Elle abonde sur des registres explicites teintés de folk et de jazz. Son chant n’est nullement enseveli sous la précieuse musique que diffusent les trois complices en une parfaite syntonie. Accomplissant un véritable tissage structurel se liant intimement à la voix qui ainsi embellie prend toute son ampleur avec le détachement d’aisance.

Les musiciens donnent le signe d’intentions profondes, apparaissant selon des ardeurs que l’on peut considérer pareil à un dévouement pour celle qu’ils soutiennent, avec ce sens valeureux qui contrebalance d’ouvertures significatives, en soutenant des mélodies qu’elle vient croquer de mots où se logent des contemplations calmes. Sa voix se détache nous laissant imaginer une vision cosmique, dans laquelle elle transite sur une dizaine de titres principalement en anglais et plus rarement en français. Entrecoupant ceux-ci de quelques accompagnements à la guitare acoustique ou encore au piano.

Ce qui est révélateur et persuasif concerne la réaction du jeune public qui d’instinct se manifeste gaiement en applaudissant au quart de seconde une fois le morceau terminé. Dans cette émergence musicale ils repèrent rapidement l’aspiration harmonieuse manipulée précieusement au service de la clarté évocatrice de rêveries, qui font parties des rumeurs de son univers.

La seule interprétation qu’elle émettra, sera celle d’une chanteuse dont le prénom est le même que celui qu’on retrouve dans le titre du dernier film d’Abdellatif Kechiche « La vie d’Adèle ». L’homme qui servit le doute sur un plateau à la presse hebdomadaire, qui tenait là son veau d’or pour relancer ses ventes.

Sienna, elle, bien que canadienne, a étudié notre langue commune à Montréal. Rien que pour cela nous aurions adoré l’entendre fredonner du Félix Leclerc. Dans une de ses chansons elle évoquait la vie des chats errants, donc tout naturellement le « Blues pour Pinky » du poète nous aurait paru fort approprié. Nous nous serions quittés sur ses paroles, narrant l’histoire d’un chien cherchant son maître (extraits) :


S’il y a des cloches pour les chiens qui meurent,
Que sonnent les cloches pendant une heure,
Il est mort de m’attendre au coin d’une rue.
C’est tant pis pour moi, je n’ suis pas venu.

Pourtant, j’avais dit au printemps :
Avec les fleurs, les vents d’avril,
Les hirondelles ont fait des milles
D’ lui dire que j’étais au tournant.

Sienna Dahlen : voix, guitare, piano / Pierre Perchaud : guitare / Matyas Szandaï : contrebasse / Karl Jannuska : batterie - Collège Jean Baptiste de La Salle (The LS Jazz project), 45 rue Denfert-Rochereau, 69004 LYON


> Liens :