À Coutances, le 14 janvier 2014.

"Un petit garçon, Bart, s’endort sur ses exercices de piano. Il se retrouve dans un autre monde, sur lequel règne le docteur T. Cet être maléfique a emprisonné la mère de Bart, et enlevé 500 enfants pour qu’ils travaillent le piano en vue d’un concerto titanesque...". C’est ainsi qu’est présenté dans Wikipedia le film de Roy Rowland, paru en 1952, les 5000 doigts du Docteur T.

Il y a sans doute quelque chose de titanesque dans le travail effectué par la joyeuse équipe virtuose qui compose les 5000 Doigts du Docteur K, formation à géométrie variable. En octet, ils se livrent à un jeu subtil, musical et sonore à partir de cartoons millésimés dont ils raffolent.

Sonoriser, envelopper de musique un dessin animé, c’est un sacré défi. Faut-il créer une atmosphère ? Suivre le rythme trépidant de la narration souvent loufoque voire surréaliste ? Jouer les équilibristes entre le sonore et le visuel ? Rompre avec les codes du genre ou les adopter pour mieux les faire déraper ?
Comme le choix n’est pas facile, ils ont décidé de tout faire à la fois... Pas simultanément mais en variant les partis-pris d’un cartoon à l’autre au fil du programme qu’ils ont concocté.

Pour que le spectateur emporté dans un tourbillon souvent frénétique puisse reprendre son souffle, quelques séquences instrumentales invitent à imaginer un scénario intérieur pour notre boîte à images mentales. Bien vu !

Indiscutablement et techniquement, cette formation a un sacré potentiel surtout quand il s’agit de suivre au quart de poil le déroulement du film pour le sonoriser avec une dose de fantaisie singulière qui crée la différence avec l’original. Là où les orchestres de studio travaillaient par courtes séquences additionnées ensuite, eux, sur scène et sous la conduite d’Alain Pierre (saxophoniste "cartounophile"), enfilent tout en direct live, un œil sur la partoche, l’autre sur l’écran de contrôle à leurs pieds.

Impressionnant, ça marche ! Passionnant aussi quand il s’agit de découvrir deux cartoons de pétillante Betty Boop, en noir et blanc (Dave Fleicher - 1933 et 1934), d’une audace créative épatante. "Betty Boop in Blunderland" est particulièrement remarquable : une déclinaison délirante en 7 minutes d’Alice au Pays des Merveilles sur une musique aussi ajustée que la robe de Betty-la bouche en cœur.

En interprétant, adaptant, dépoussiérant des musiques des années 30-40 (John Kirby, Raymond Scott, Scott Bradley), en imaginant des musiques originales, les 5000 Doigts du Docteur K nous brodent une histoire du jazz et du dessin animé qui réveille notre âme d’enfant et propose une approche très pédagogique du ciné-concert. En dégustant ce spectacle complet, on comprend que Laurent Dehors, saxophoniste-clarinettiste toujours prêt pour innover, ait été associé à la création (Europa Jazz Festival du Mans en mai 2011). Désormais, les 5000 doigts volent de leurs propres ailes et de belle manière, même sans l’intrépide rouennais.
Un prolongement possible pour ce projet ? Il se dessine peut-être dans la collaboration entre les 5000 doigts du docteur K et des graphiques-réalisateurs contemporains comme Christophe Fauconnet qui a réalisé "Rock in Casbah" une animation de 5 minutes imaginée sur une musique du compositeur Raymond Scott, Egyptian Summer.

Alors, si ces 5000 doigts se posent près de chez vous, ne les laissez pas s’agiter sans vous ! Ils ont plusieurs cordes à leurs arcs et plusieurs programmes dans leurs carto(o)ns.

> Théâtre de Coutances (Manche) - mardi 14 janvier 2014 - 20h00
Les 5000 Doigts du Docteur K / Cartoon Frénésie : Gilles Belouin : vibraphone, marimba, percussions, bruitages / Bertrand Dabo : batterie, bruitages / Ludovic Fabre : violon / Emmanuel Guillard : piano, synthétiseur, bruitages / Denis Joëssel : contrebasse, bruitages / Laurent Lair : trombone, compositions / Éric Mussotte : trompette / Alain Pierre : saxophones, flûte, compositions, direction musicale /+/ William Languillat : régie lumière et vidéo / Philippe Cadeau : régie son et vidéo


Liens :