Le sujet du livre promettait d’être passionnant...

Le sujet du livre promettait d’être passionnant, à la fois par son apport musical et son interprétation dans l’histoire culturelle. Malheureusement, la lecture s’en révèle peu agréable : écrit dans un style qui alterne les affirmations sans source documentaire et des extraits de textes, souvent non référencés, l’écriture en est confuse et dans des registres qui mélangent le sérieux et le vulgaire. La traduction apparaît ampoulée et souvent peu exacte : on y parle d’un “chapitre de syndicat”, là où sans doute le français dirait une “section syndicale”, le mot “mobster” aurait pu être traduit simplement pas “voyou” etc.

"Le jazz et les gangsters" : Ronald L. Morris
Ed. Le Passage - 2013

L’auteur a une idée fondamentale : les irlandais, patrons de boîtes de nuit, alliés aux politiciens corrompus et aux policiers véreux, non moins irlandais et tous racistes, ont rejeté les noirs et les immigrants siciliens sur les marges, et ceux-ci, à côté de leurs activités délictueuses, qui n’étaient pas si violentes que l’on prétendait, ont développé une vie nocturne avec ceux-là : le jazz a ainsi pu évoluer et se perfectionner. Malheureusement cette idée est simplement ressassée pendant sept chapitres, sans développement logique, sans recherches personnelles, le livre ne s’appuyant que sur les opinions d’un nombre important d’auteurs, que Morris contredit parfois, sans nous dire sur quoi il s’appuie lui-même. La quatrième de couverture dit que l’auteur “ a enseigné l’histoire sociale dans des universités anglaises et américaines” -ce qui est bien vague-, mais son texte semble plutôt le fait d’un amateur qui n’a pas appris les règles du travail académique.

La lecture de ces redites sans direction intellectuelle est assez pénible et j’ai été souvent proche de l’abandon, mais de même que je ne pars pas avant la fin d’un concert, j’ai poursuivi la lecture et ai été enfin récompensé au chapitre 8 qui étudie la fin de ce système de protection par les voyous, conséquence de la répression de la fin des années 30. L’auteur analyse enfin, chiffres à l’appui, la disparition des clubs et des possibilités de travail pour les musiciens, montrant comment le jazz était en voie d’extinction à la fin des années 70.

En conclusion, c’est un livre que l’on ne peut pas recommander, sauf pour les 34 dernières pages.

> Ronald L. Morris, Le jazz et les gangsters [Wait until Dark : Jazz and the Underworld, 1980] traduction Jacques B. Hess - Éditions le Passage - 2013, 273 p., 16 euros.


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