Une scène vide de pupitres et de partitions. Vide de sièges aussi. Création mondiale d’un concert à usage unique !
Une scène vide de pupitres et de partitions.
Super !! Ces gars-là vont jouer par cœur.
La classe.
Vide de sièges aussi. Sauf un tabouret devant une valise de petites machines.
- Impossible de vous donner le nom des morceaux que nous allons jouer », annonce Claude TCHAMITCHIAN. « D’ailleurs, nous ne savons pas ce que nous allons jouer » ( là, d’aucuns pourraient se lever et quitter la salle en râlant ouais n’importe ouak c’est qui ces mecs putain j’aurais dû choisir Pleyel y’avait Rakmaproutoff au piano solo aqueux-orage oblige) « parce que nous allons improviser. »
Ahhhhhh !!!! Création mondiale d’un concert à usage unique. Un concert-seringue ?
Donc les quatre hommes, Claude TCHAMITCHIAN à la contrebasse, Régis HUBY au violon, Guillaume ROY au violon alto, Philippe DESCHEPPER à la guitare et ses pédales d’effet, s’y attellent. Hue !!!
Silence, regard extérieur, intérieur, hophop !!! Injection.
Personne ne fait son timide genre j’ose pas la jouer ma note et j’hésite à prendre ma place. Ni à jouer à pousse-toi que je m’y mette. Intensité, engagement. D’emblée. À fond. Personne n’affiche de projet façon "Je vais changer le nom de l’orchestre, mettre en place une nouvelle organisation, installer une relève et faire revenir les donateurs pour redresser les comptes". Personne n’affiche de tout-à-l’ego ni de moi-je-moi-je-moi-je-j’ai-changé-croyez-moi-sur-parole. Des intermittents soucieux en permanence du bien commun. Pfff, ça, Gattaz, mon Pierrot, tu peux pas comprendre.
Alors, ils improvisent à quatre. Ils ne jouent pas n’importe quoi, ils écoutent. ILS S’ÉCOUTENT, eux. Huby et Deschepper se taisent, improviser n’est pas jouer tout le temps sans cesse. Puis s’y remettent sans Roy qui prend sa pause ( syndicale ), ah puis c’est Tcham’ qui s’arrête. Après le glissando général qui a initié ce morceau, ils sortent le train d’atterrissage : fin planante.
La seconde pièce est dédiée à Pierrick HARDY qui a fait des siennes hier soir au même endroit. Une intro percussive agitato furioso aux violons, relayés par la basse et la guitare avant un second mouvement vigoroso crescendo où ça discute, ça cause, ça débat ( ben quoi, on n’est pas au PS, on peut ) puis une fin molto appasionata à grands coups d’archers. Ardente, embrasée, fougueuse, frénétique, véhémente. Voilà encore une pièce exemplaire où chacun devient leader avant de s’effacer.
Sans mollir du mollet, la basse envoie un ostinato vivacissimo qui suscite chez la guitare une série d’accords échevelés, les violons énervés la ramènent poussez-vous à nous de jouer, c’est le chaos.
Puis, allez savoir comment ça arrive : une mélodie intimo largo ma non troppo, à coups de pizzicati jolis, prend place et se développe. Ah, ça fait du bien un peu de suavéolence, de félinité et de quiétude. Deschepper se retrouve tout seul genre nous on a fini qu’esssstufous mec ? Le laisser errer ? Tournasser ? Battre l’estrade ? Non, un pour tous/tous pour un. Tcham’ s’y recolle, puis les deux violons et voilà : c’est fini. Ensemble.
Le public agite ses petites mains jusqu’au rappel. Bien sûr, ces gars-là ont épuisé leur répertoire, n’ont rien prévu. Si ce n’est un morceau ( improvisé ) intitulé "Le rappel, ça m’rappelle...".
Tout de même : qu’est-ce qu’on ne fait pas avec de l’écoute, de l’engagement et le sens du collectif ? Hein ? Ça laisse rêveur.
Le Triton - Les Lilas (93) - Samedi 20 septembre 2014 à 20 heures.
Claude Tchamitchian / Philippe Deschepper / Guillaume Roy / Régis Huby
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