Deuxième couche

Les bricoleurs s’en réjouissent, des peintures d’aujourd’hui : une seule couche suffit. Comme quoi, tout ne va pas si mal dans le monde et l’industrie chimique (qui est bien la seule à ne pas avoir été honorée dans toutes ces célébrations du centenaire de la première guerre mondiale ) innove : peinture à une seule couche, grenades offensives anti-ennemi intérieur ( les jeunes forcément ) et autres biocides et nécro-innovations.

Le Gil Evans Paris Workshop ( GEPW ) persiste, lui, dans le mode artisanal qui n’économise pas son temps et en remet une couche, la seconde.

L’effectif du jour comprend : Laurent CUGNY  : piano, arrangements et direction, Jean-Philippe SCALI au sax baryton et clarinette basse ; Adrien SANCHEZ (qui n’a pas joué que debout) au sax ténor, Martin GUERPIN au ténor et au soprano, Jonathan ORLAN au sax alto ; à la trompette : Brice MOSCARDINI, Malo MAZURIÉ, Quentin GHOMARI et Olivier LAISNEY ; au cor, Victor MICHAUD, au trombone Bastien BALLAZ et Léo PELLET, au tuba Fabien DELLEFONTAINE, à la batterie Gautier GARRIGUE, à la contrebasse en bois Joachim GOVIN, à la guitare et quincaillerie Marc-Antoine PERRIO.
Le piano, installé tout à gauche lors du précédent concert, migre ce soir au milieu de la scène et après le profil de ¾ du Cugny, nous pouvons apprécier ce soir, ses dorsaux, ses petites fesses et sa nuque. Son dos quoi. La prochaine fois, à droite toute ?

Intro avec Blues in Orbit. Allons bon, le GEPW s’installerait-il dans la routine ? Déjà ? Lui et nous formerions un début de vieux couple ? Ou bien il veut nous montrer tout de suite ses petits muscles et combien cette grosse machine swingue grave ? Et combien ces petits jeunes envoient de toutes les couleurs ? Olivier LAISNEY à la trompette s’y colle à froid, Martin GUERPIN enchaîne. Celui-là, il va falloir le tenir à l’oeil : entre sa vélocité et le fil de son propos, impossible de garder le nez dans son verre. Il attire l’attention.

Suit une pièce tout à fait bizarre, bizarre parce que sans repères évidents. Thème ? Pont ? Gimmick ? Nada de nada. Comme un mode flou mou de partout sur lequel Jonathan ORLAN, Brice BALLAZ puis Brice MOSCARDINI s’en viennent broder des jours et leurs contours.

Suit In Temps, concerto pour trompette magnifié par le solo de Malo MAZURIÉ.
Puis Orange ( was the color of her dress ) de Mingus. Intro au piano et allonzy pour un délicieux moment gonflé de tous ces riffs-clichés, de cette puissance du groupe qui pousse et pousse. Et GUERPIN se fend d’un trétrétrés grand solo ( Clifford JORDAN, écrase-toi et écoute !! ). Ça semble facile et coulant comme un camembert à point. Léo PELLET prend la suite. Cette superbe pièce survitaminée donne envie d’un programme dédié tout entier à Mingus. On entendrait Nostalgia in Times Square, Better git in your soul, Boogle stop shuffle, Fables of Faubus... I have a dream.

Après la pause bien méritée pour se reposer les babines éprouvées, l’orchestre sonne encore plus rond, plus rugissant, plus homogène. Une escalade nucléaire à la puissance maîtrisée. Suivent La vie facile, Le manoir de mes rêves ( Django Reinhardt ), une pièce de Harper ( Benny ? Billy ? ) qui pète le feu avec MOSCARDINI au bord d’avaler son embouchure et ses collègues qui se décrochent les poumons. Puis PELLET encore puis MAZURIÉ dans un format de quartet ( contrebasse, batterie, guitare ) : ça y va que c’est un bonheur toute cette rondeur. On ne voit pas passer les heures.

Goodbye Pork Pie Hat de Mingus vient clore le concert. Tiens, même intro, même clôture. Un vieux couple déjà, eux et nous.

On ne veut pas qu’ils descendent de scène, on en veut encore et on les « rappelle » pour un Jelly Roll Morton au tempo vif.

Il est question d’une troisième couche début décembre genre les finitions de fin d’année.

> Studio de l’Ermitage - 8 Rue Ermitage, 75020 Paris
Mercredi 12 novembre 2014 à 20h30


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