Dérivé du sanscrit, le terme raga signifie “(se) colorer, rougir”, et par extension, “être ému, affecté”. C’est un mode musical doté de pouvoirs qui lui sont propres. Une nuit... à la Philharmonie de Paris !
Le 3 juin 1966, de nombreux amateurs de jazz se mêlaient aux curieux de musique orientale -ou était-ce le contraire ?- pour entendre ce qui devait être le premier concert de Ravi Shankar à Paris. (Il avait fait la couverture de Jazz-Hot de mai 1966 n° 220, avec un article et une publicité pour le concert ; il y eut un compte-rendu dans le n° 222 de juillet-août ; dans Jazz-Magazine n° 132 de juillet, un paragraphe d’un article intitulé “Indo-jazz”, signé P.C. -Philippe Carles ?- donnait une critique assez mitigée du concert ; dans ce même numéro, une critique enthousiaste par Alain Gerber de “A Love Supreme”). À l’époque, l’Europe découvrait cette musique - un peu connue par le film Pather Pantchali 1955. Elle avait ses adeptes dans le rock, la chanson (Beatles) et le jazz . De ceci, il reste en tout cas pour le jazz, Ravi Coltrane.
Ce samedi 30 janvier 2015, la Philharmonie 1 présentait quatre stars de la musique du sous-continent indien.
D’abord, le sitariste Kushal Das, musicien bengali de la même école que Ravi Shankar, accompagné par un joueur de tabla assez brutal, sans nuire à la mélodie, une belle musique méditative et souple dans la partie rythmique, qui a pâti de faire l’ouverture -il y eut d’incessants mouvements de retardataires pendant une heure.
Ensuite, ce fut le tour de Amjad Ali Khan - venu avec son ingénieur du son, qui nous a accablé de décibels-, joueur de sarod, une sorte de luth, dit-on, qui avait souvent un son de guitare électrique, lorsque l’instrument était frappé sèchement. Cette musique m’a paru souvent bien “occidentale”, de gentilles mélodies comme il y en avait autrefois dans nos campagnes.
L. Subrammanian joue du violon avec une sonorité étouffé, qui la fait ressembler à celle d’une flûte alto. Il a joué un long alap, avant d’être rejoint par le joueur de mridangam (tambour). Il y eut ensuite un très long solo de guimbarde morsing, qui semblait bénéficier d’un prolongement électronique - une curieusement longue résonance-, puis un duo avec le percussionniste, avant le retour des deux violonistes.
Notons que tous ces musiciens avaient l’œil fixé sur la montre, ayant un peu plus d’une heure chacun ; les heures de passage étaient précisées sur le programme. Ces deux derniers groupes utilisèrent un bourdon électronique, remplaçant le traditionnel tampura. Ils sont d’ailleurs tous très en contact avec l’occident, sa musique et ses pratiques.
Enfin apparut Hariprasad Chaurasia, joueur de flute bansuri, qui joue main droite en haut, l’instrument penché vers le sol. Après un long alap, auquel répondait un autre flûtiste, il fut rejoint par un magnifique joueur de tabla, à la frappe subtile et dynamique. On entendit de longues improvisations du maitre et des percussionnistes. Ce fut certainement le meilleur de la soirée.
La salle de la Philharmonie est modulable, la scène qui sert à la musique acoustique était transformée en parterre et les gradins d’arrière-scène en scène, sur laquelle avait été disposé un tapis et le podium traditionnel où les musiciens jouent assis. Seul Hariprasad Chaurasia joua assis sur une chaise.
> Paris, Philharmonie 1, le samedi 31 janvier 2015 de 18 heures à minuit. Salle comble.