Deux pianos imbriqués, deux pianistes décidés à jouer à « Improvisons » : un concert de la paire Andy EMLER - Roberto NEGRO un soir d’hiver...
Un soir de vent tard et de froid dur, spécial gueux.
Deux pianos imbriqués, deux pianistes décidés à jouer à « Improvisons », un système Triton-on-line galactique qui fait que nous sommes environ 12 milliards d’auditeurs-spectateurs simultanés à jouir du concert de la paire Andy EMLER au piano/Roberto NEGRO au piano et sac de vide-greniers.
Un temps pour se renifler, s’apprivoiser et autant le faire en musique : l’un propose une idée-incipit « Longtemps je me suis couché de bonne heure » et l’autre répond « Aujourd’hui maman est morte ». Allez, en route vers la synthèse hollandaise... Un regard par dessus les tables, une ébauche de sourire, ça va le faire. Emler joue un petit quelque chose très MégaOctet et Negro un truc pas moins Scala mais ça ne dure pas : ils ne sont pas ici pour des redites ou des radotages. Alors ils se jettent à l’eau. Vingt mille lieux sous l’Emler.
Plus tard, ils s’emploient à montrer que le piano est un instrument à percussions dans une séquence « climatologique » avec coups, grattages, frottis, pincements, caresses, secousses et tremblements. On sent qu’ils ont revisité les classiques de l’art de la guerre, qu’ils en invitent les principes stratégiques immémoriaux façon « t’vas voir ta gueule à la récré » : l’un dégaîne « ajouter du bois pour éteindre le feu », l’autre y va de « troubler l’eau pour faire remonter le poisson » puis il s’agit de « tordre davantage pour mieux redresser » à quoi la réponse arrive comme « créer à partir de rien » qui suscite « Vaincre sans combattre ». Pffff, si tu veux la paix, prépare la guerre !!!
Ils se calment (la guerre n’est pas une option) et jouent à « Àtoi-Àmoi ».
Shiva se gratte sous les bras, se mord les doigts, se ronge les phalanges, énervé le garçon !! Avec deux troncs et deux bras, ces deux loustics bien chauds lui foutent la honte. Le premier demande -Alors, raconte comment ça s’est passé ?-que la main de l’autre poursuit -Elle est arrivée, je la voyais qui marchait, qui marchait...- puis s’informe -Et toi, t’en es où avec ton petit dernier ? et à toi et à moi et à toi.... Shiva ne sait plus où donner du bras, ça va trop vite pour lui, le syndrome du mille-pattes le terrasse, plus il se demande avec quelle main de quel bras il jouerait, plus il perd ses moyens au point de s’immobiliser, tous les bras en l’air, comme une forêt saisie. Eux deux, ça va merci.
Emler, c’est dans l’air du temps, ne peut s’empêcher de tenter une approche poutinesque sur le territoire de Negro, et les voilà à 4 mains sur la même machine. Pousse-toi que je m’y mette, mais-non-mais-si.
Et puis, un tour par le dico des citations musicales sur fond de Ne me quitte pas trituré, torturé, ravagé, qui vire au ragtime échevelé, avec un épisode de tirs de mortiers à Donetz, tous aux abris et tout de même, il faut bien finir, un dernier accord, une dernière note qui luciole puis s’éteint.
Bon,on ne va pas les laisser s’en tirer comme ça, alors on les rappelle.
-Un blues !! demande quelqu’une.
Tiens, tu crois qu’ils attaqueraient direct pour lui faire plaisir à la dame ? Non, intro vagabonde de Emler, contours et détours de Negro avant de retomber pile-poil sur quelques clichés blouseux qui font sourire. Ils sont si chauds bouillants si en phase que terminer, c ’est une horreur.
À l’autre bout de la galaxie, y’en a des qui partent au boulot maintenant et on entend Zazie qui dit : « plus tard je serai astronaute !! Pour faire chier les Martiens !!! »
> Le Triton - Les Lilas (93) - jeudi 5 février 2015 - 20h00