À la Renaissance de Mondeville (14) le 30 janvier 2015, Patrice Caratini jouait en trio avec l’Orchestre Régional de Basse Normandie pour la création de "Douze portraits de femmes".
C’était quelques jours avant que l’état des routes menant à la salle Le Préau de Vire le 5 février dernier ne menace notre critique le plus diligent Thierry Giard (lire ici). Pour notre part, nous étions bel et bien là le vendredi 30 janvier dernier à La Renaissance de Mondeville pour assister à cette création de Patrice Caratini. Les cordes classiques de l’Orchestre Régional de Basse Normandie jointes au trio jazz du contrebassiste ainsi qu’un répertoire rendant hommage aux chanteuses ; voilà un mélange qui ouvrait à de nombreux parti-pris tout en imposant nombre de contraintes.
Habitué de ces croisements des genres -pour le dire en français- (Partice Caratini a été aussi bien l’accompagnateur de chanteurs réputés que de l’un des musiciens de jazz français le plus populaire, Stéphane Grappelli), il a su, avec cette nouvelle expérience musicale, trouver le bon équilibre entre musique écrite, improvisation et chanson populaire. Il est vrai que là encore « Short songs » en 2009 avec son même trio et « Chants des rues » en trio et grande formation avec Manuel Rocheman , André Villéger… créé en 2014… préfiguraient cette création de cette année 2015. Le changement provient de l’apport classique qu’il fallait apprivoiser et plutôt que de tenter une vague synthèse ou au contraire une fusion forcée, Patrice Caratini a opté pour le choix de confier les introductions à l’ensemble classique en faisant preuve à la fois d’imagination et de fantaisie : les compositions sont élaborées par des équivalences entre le prénom des chanteuses et les notes !
Le reste fait la part belle au trio et bien sûr à sa chanteuse à la grâce toute serpentine Hildegarde Wanzlawe aux origines slovaco-polonaises, venue de Bretagne… et de chez Caratini son complice... Aux confins du jazz et de la chanson, elle parvient à imposer un registre commun à des titres relevant du répertoire réaliste (Piaf, Fréhel par exemple) ou plus jazz (Helen Merrill, Elis Regina). Il faut entendre la célèbre chanson funèbre de Damia « Les goélands » chantée par celle-ci avec ses tripes et reprise toute en nuance par la chanteuse pour mesurer ce qui sépare ces deux interprétations. Ce qu’elle perd en puissance dramatique, elle le gagne en subtilité et en aucun cas au détriment de l’émotion.
On l’aura compris ce qui vaut pour Damia vaut également pour les autres chanteuses : nulle tentation d’imitation des modèles d’origine mais une appropriation avec la complicité du contrebassiste bien sûr mais aussi du saxophoniste Rémi Sciutto. Complicité, autre maître mot de cette soirée qui a su séduire son public en dépit de ses parti-pris qui auraient pu en dérouter quelques uns..
Et comme une Hildegarde peut en cacher une autre. L’hommage annoncé par la chanteuse à cette autre Hildegarde nous inclinait à penser à notre sainte favorite, compositrice de musique sacrée, au XIIème siècle, H. de Bingen, alors qu’il s’agissait en fait d’une chanteuse de cabaret inconnue à nos oreilles Hildegarde Loretta Sell. Une découverte donc.
Prévert et son raton –laveur, à la faveur de l’un des nombreux rappels, pouvaient conclure aimablement cette soirée dédiée aux chanteuses toutes catégories confondues.
> Orchestre Régional de Basse Normandie / Patrice Caratini : contrebasse et direction / Rémi Sciutto : saxophone / Hildegarde Wanzlawe : chant.
On pourra retrouver le même trio de Patrice Caratini le 9 avril prochain au Sunset - rue des Lombards, 75001 Paris.
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