Retour sur deux concerts dans le cadre de la saison The LSJazz Project (Lyon). Point commun entre ces deux concerts : la présence du guitariste italien Federico Casagrande.
Nous avons eu l’agréable surprise de découvrir le guitariste Federico Casagrande entouré de deux formations en ce début d’année 2015 au LSJazzProject [1].
> 30 janvier 2015 :
Si la musique peut être porteuse d’affects tristes, sa teneur ne jouxte pas forcément avec un aspect languide. Lors de cette première soirée d’une heure, le 30 janvier, le trio venait de la sorte alléger le propos d’une incertaine pesanteur et rendre sa richesse aux échanges.
Le saxophone ténor de Francesco Bearzatti peut s’apparenter à un véritable cri offensif rageur. Il sait faire percuter volontairement puis alternativement mais toujours puissamment une consistance effective de développement. Le Jazz, son Jazz, initie ce trope majeur pour établir des déviances aporétiques sublimant la thématique.
Pour Federico Casagrande se sont des litanies acoustiques merveilleuses qui nous transpercent d’émotions. Son pouvoir de séduction se place au centre de la générosité qu’il vient adjurer entre lui et la rencontre qu’il éprouve en lien permanent avec son instrument. Chacune des notes ressemble à une touche d’affection particulière, à la propension d’un souffle issue d’une confiance prise sous sa rhétorique déconcertante. Son tête-à-tête instrumental redoutable d’efficacité, entoure les probabilités émises, ainsi il écarte toutes les tendances anecdotiques.
Bruno Tocanne enflait sa tonalité rythmique tout au long de cette rencontre. Il apprivoisait des mimiques volumineuses dans lesquelles il se bornait à venir bousculer la batterie en perturbant l’oisiveté de celle-ci. Il pouvait se parer de somptueux précipices dès que les occasions s’offraient à lui devant les moindres ouvertures au fil des circonstances.
Ils élaborèrent ensemble des stigmates inédits avec les dispositions de chacun. Ils s’employèrent à faire planer une densité de la masse et de la courbe, dans de saisissantes lueurs faites d’une appartenance adoptée à la plénitude. À bout de bras, ils portèrent les compositions câlines d’un certain Paul Motian qui arrachaient les instruments de leur stupeur.
Federico se drapait assis dans une posture statutaire , dressant sa Fender à hauteur de visage pour mieux s’accoupler avec elle et laisser émerger des éclats transfigurateurs.
> 13 mars 2015.
Dans le domaine de l’intensité des sensations comme des sentiments musicaux accrus, le quartet du 13 mars viendra planter des repères selon un ordonnancement héroïque d’exigence dans l’échange. Cette armature à quatre ne fut pas exécutée d’artifices superfétatoires. Ils tenaient ensemble comme les quatre piliers d’une bâtisse qui se dresse aux quatre vents. Si l’on observait l’allure de chacun ils n’apparaissaient pas avachis sur leur instrument. Ils les faisaient au contraire respirer minutieusement. Et pour une fois les fameuses apparences n’étaient pas trompeuses.
Mais au-delà du dehors ce qui nous a touché c’est le dedans venu de l’intérieur, que chacun habitait et investissait en actant sa propre vision du contenu échangé.
Les images sont autant de fragilité qu’il faut savoir les décrypter pour s’assurer de leur authenticité. La musique l’est tout autant. Elle change lorsque nous la trahison selon notre humeur aussi. L’inattendu nous attendait dans cette étonnante soirée aux détours de chacune des compositions de Sébastien François, avec ce surprenant étalage d’improbabilité sortie d’un noyau évocateur. De notre côté nous étions alors assis sur nos chaises à scruter ces nombreux effets qui se décollaient du réel. Il s’agissait d’un tout, oui, mais qui relevait de toutes les nuances sans trop d’évidences pour ne pas trahir l’éclat crucial. Federico se délectait encore et toujours à faire vibrionner sa guitare. Debout cette fois-ci. Le trio lui tenait lieu de boussole pour se faufiler et se désensevelir du néant de ses six cordes qu’ils faisaient pulvériser une à une de notes. Elles sonnaient toutes aux flexions du langage subjectif emporté par l’œuvre naissante.
Notons que le trio, composé du contrebassiste Sébastien François du saxophoniste Antoine Bost et du batteur Sébastien Mourant, collaborait pleinement à cet accomplissement par ses valeurs coextensives. Les saxophones d’Antoine Bost développaient un jazz robuste qui donnerait à tout musicien l’envie de le suivre et d’accompagner celui-ci dans ses divers tâtonnements descriptifs élaborés. La batterie de Sébastien Mourant s’étoffe d’année en année, portée par son désir insatiable de jouer, ouvertement communicative dans tous les croisements d’équilibres poussés inexorablement au paroxysme. S’il existe des territoires inoccupés par l’intelligence, ceux que Sébastien François nous ouvre, brillent d’une excellente maturité méditative accomplie sur un alignement de rigueur.
Nous finirons par considérer à la sortie de cette séance, qu’ils ne fréquentaient pas l’inattention, mais s’amusaient à pourchasser tous les temps morts inappropriés.
30 janvier 2015 : BRUNO TOCANNE Meetings feat. Francesco Bearzatti & Federico Casagrande
13 mars 2015 : SEBASTIEN FRANCOIS Trio + FEDERICO CASAGRANDE feat. Antoine Bost & Sébastien Mourant
THE LS JAZZ PROJECT - Collège LA SALLE - 45 rue Denfert-Rochereau - 69004 LYON
[1] Jazz au Collège JB de la Salle - Lyon