Au fil des jours... et en définitive...

  La vache qui rêve ?

Nous l’avions pressenti à la lecture du programme et dans le regard de cette vache écornée à l’œil morne qui ornait l’affiche 2015, cette édition du festival Jazz Sous Les Pommiers, rebaptisé Pommiers Sous Les Jazz ne fera pas date. Cette semaine annonçait une journée "bonus" avec l’ajout du 8 mai férié, histoire de charger encore plus un programme déjà saturé. Bonus ne veut pas dire "gratuit", entendons-nous, enfin pas là en tout cas ! À Coutances, on pratique l’empilement vertical de concerts et d’animations en tous genres (pas souvent "jazz" !) : un programme étourdissant, vendeur et qui attire les "hors-uns" (comme on dit ici). C’est bien !
Ce qu’il faut savoir, gens d’ailleurs, c’est que passée cette semaine, le jazz est une denrée rare à Coutances et dans les environs. L’artiste en résidence, en ce moment Airelle Besson, donne certes bonne conscience mais est-ce suffisant et satisfaisant ?
Nous, nous sommes de plus en plus partisans de la programmation "horizontale", étalée sur l’année et ponctuée d’un "temps fort" raisonnablement dense (et plus inventif sur le plan artistique !). Eh oui ! une soirée plus intimiste en formule club, c’est moins "vendeur" et tape-à-l’œil qu’un festival... Pourtant, savez-vous, les musiciens, eux, ils ont besoin de travailler toute l’année et le "travail culturel de terrain", la conquête d’un public, ça s’effectue, surtout, hors de ces manifestations qui tiennent du "divertissement" et de "l’événement où il faut être" et non d’une véritable politique raisonnée de diffusion artistique. Dans la culture, c’est bien connu, l’irrigation régulière d’un territoire vaut mieux qu’un arrosage massif et ponctuel. Hors festival, même après 34 ans, les grandes salles sont difficiles à remplir alors on fait appel, encore et toujours aux têtes d’affiche. Le public se gave en une semaine et attend l’année suivante. Il y a quelque chose qui cloche, non ? Encore faut-il savoir jauger le public potentiel. Une centaine de spectateurs réguliers, ce serait un résultat honorable pour aller à la conquête d’un public fidèle.
Bien sûr, on nous traitera de puristes en nous renvoyant des chiffres époustouflants, des scores renversants (plus de 90% en taux de remplissage, remarquable, c’est vrai !). Une démarche bien connue qui tient de la grande distribution de produits de consommation avec un programme largement acheté sur les catalogues de "maisons de production" influentes (Anteprima et Loop Productions par exemple...). On ne s’étonnera donc pas de retouver ici les mêmes musiques/artistes qu’ailleurs selon le principe des têtes de gondoles de vos hyper-festivals. Nous, nous avons tendance à préférer le petit commerce de la musique, l’épicerie fine où les produits (les musiques et ceux qui les créent) sont choisis pour leur talent, leur inventivité, leur art... pour faire court ! Deux logiques radicalement différentes mais aussi des choix politiques à effectuer en terme d’utilisation des financements publics, en particulier, mais aussi privés en réorientant le mécénat vers sa vraie mission : défendre l’art et les artistes... et pas faire "du chiffre".

.::Thierry Giard: :.

Alors, maintenant, revenons-en à la musique...

PS : et pour information, en cette année 2015, l’AACM de Chicago célèbre son cinquantième anniversaire. Il y avait là une belle piste de programmation. Dommage...
PPS : lire aussi l’article de Jean-Louis Libois : "Réduction, famille nombreuse" (CultureJazz - 26 avril 2015).


  Au fil des jours...

À quatre mains et deux voix... celles de Thierry Giard et Florence Ducommun.
Vous (re)trouverez ci-dessous une synthèse des articles "postés" au jour-le-jour sur les pages Google+ et Facebook de CultureJazz (l’actu en quasi direct !).

Cliquez sur les images pour les agrandir. Diaporama des photos de Florence Ducommun en bas de page à partir du portfolio.

  8 mai

Daniel Zimmermann septet "Bone Machine" en soirée au Magic Mirrors : un vif succès pour débuter le festival (n’ayant pu arriver à temps pour écouter Snarky Puppy & Metropole Orkest). Pas de réelle surprise malgré un talent de tous les musiciens incontestable.(F.D.)

Fiona Monbet et Didier Lockwood
Fiona Monbet et Didier Lockwood
© Florence Ducommun 2015

Le Trio Didier Lockwood-Bireli Lagrène-Darryl Hall invitait Fiona Monbet ce vendredi soir à la Salle Marcel Hélie : concert complet pour un résultat enlevé haut la main avec quelques nuances à apporter cependant... Je n’aime pas le mélange des genres et à la fin Lockwood nous a fait son numéro d’arrangement électrique qui venait come un cheveu sur la soupe et a cassé le charme de cette soirée acoustique.Belle révélation par contre en la personne de la jeune Fiona Monbet adoubée par Lockwood (F.D.)

  9 mai :

Joe Lovano
Joe Lovano
© Florence Ducommun 2015

Deux concerts à la suite ce samedi soir, presque calqués l’un sur l’autre et plutôt consensuels... Le vieux lion Joe Lovano et le tigre Kenny Garrett. Ma préférence est allée vers le vieux lion, très bien entouré et fort généreux. Mais pourquoi diable, programmer les 2 concerts à la suite l’un de l’autre dans 2 salles différentes avec 15 mns de battement, donc un mouvement de foule désastreux à la fin du concert de Joe Lovano qui s’est terminé dans une salle à moitié vide ! Organisation à revoir et malheureusement ce scénario s’est répété à plusieurs reprises...(F.D.)

Lire la "carte postale" consacrée au concert de Joe Lovano, ici ! (T.G.)

  10 mai

Claude Barthélémy & L’Occidentale de Fanfare dans le cadre du "Dimanche en Fanfares" : réjouissant, récréatif, imaginatif ! A écouter absolument ! (F.D.)

Claude Barthélémy
Claude Barthélémy
© Florence Ducommun 2015

On a toujours plaisir à retrouver Claude Barthélémy, ce guitariste manifeste toujours une grande envie de jouer dans des contextes variés. Ce projet avec l’Occidentale de Fanfare a été créé en 2010 et ça tient toujours la route, la preuve ! Le disque vient de paraître sur le label Laborie Jazz. (T.G.)

Ana Kap
Ana Kap
© Thierry Giard 2015

Un beau moment de poésie, de fantaisie et d’inventivité avec le trio Ana Kap dans le cadre du dimanche en fanfares de "Pommiers sous les Jazz" (appellation 2015 - Coutances !). Un bric-à -brac musical qui ne laisse rien au hasard sans perdre sa spontanéité : toute le patte de Pierre Millet, trompettiste-compositeur toujours inspiré. Jean-Michel Trotoux est à l’accordéon et Manuel Decocq au violon.
On (re)lira la chronique de leur disque sur CultureJazz.fr (avril 2014 - ici !). (T.G.)

  12 mai

Airelle Besson
Airelle Besson
© Florence Ducommun 2015

Le duo Airelle Besson-Benjamin Moussay au Magic Mirrors dans l’après-midi : une promenade agréable dans l’univers de Miles Davis, exercice pour le moins difficile mais réussi par les deux musiciens complices, avec une volonté pédagogique qui a peut-être nui à la cohésion de l’écoute ?

The Amazing Keystone Big Band
The Amazing Keystone Big Band
© Florence Ducommun 2015

Une soirée ensuite qui faisait le grand écart ce mardi 12 mai entre "Pierre et le Loup et le jazz" par The Amazing Keystone Big Band ( pour le plus grand plaisir des petits...et des grands !) et le blues des origines avec le duo Larry Garner & Michael van Merwyk d’une part et un hommage à Muddy Waters avec John Primer & The Living History Band qui invitait Bob Margolin d’autre part. (F.D.)

  13 mai

Jacky Terrasson
Jacky Terrasson
© Florence Ducommun 2015

"Take this" en début de soirée avec un Jacky Terrasson qui devrait jouer torse nu, tant il se donne à fond !
Mais autant on a gagné avec le changement du contrebassiste en la personne de Stéphane Kerecki, autant on a perdu avec Coki Sarria Linares qui remplaçait Adama Diarra le percussioniste, resté totalement dans l’ombre au propre comme au figuré...(F.D.)

Lizz Wright a chanté ensuite sans grande conviction ni passion ce mercredi soir à la Salle Marcel Hélie...
Mention spéciale à son pianiste Kenny Banks qui réveillerait un mort par contre (F.D.)

Une excellente fin de soirée en la compagnie de Kyle Eastwood ce mercredi. Coup de coeur pour tous les musiciens qui ont livré un concert frôlant la perfection avec de nouveaux morceaux très travaillés et Kyle est décidément un bassiste qui se révéle de plus en plus. (F.D.)

  14 mai

Chris Illingworth
Chris Illingworth
© Florence Ducommun 2015

"J’aime pas GoGo Penguin !"
Une insupportable succession de thèmes(ambiances, climats ?) plus pauvres les uns que les autres basés sur des répétitions de motifs simplistes emmenés par une batterie ferraillante qui couvre tout (c’est clculé pour, avec deux caisses claires, on croirait l’infanterie écossaise à l’assaut). Une alchimie insidieuse pour envoûter l’auditoire et faire croire au génie quand il n’y a que mécanique apprise par coeur et ajustée au millimètre (les ruptures, les breaks ne font pas illusion longtemps). Oh ils sont sans doute très instruits et habiles ces petits sujets britanniques mais ça n’a jamais suffi pour faire des musiciens ! Esbjorn Svensson et The Bad Plus ont ouvert une voie, peut-être... désormais, c’est l’autoroute. Je préfére les chemins de traverse plus bucoliques. (T.G.)

Guillaume Perret & The Electric Epic ce jeudi après- midi... Il serait temps de passer à autre chose... un peu, ça va... et encore ! Beaucoup et ça ne passe plus du tout, malgré le changement des bassiste et guitariste ; la scénographie toujours "fumeuse" va finir par lasser... L’intervention d’Airelle Besson a apporté un peu d’air.(F.D.)

Jî Drû & Sandra N'Kaké
Jî Drû & Sandra N’Kaké
© Florence Ducommun 2015

Au cinéma Le Long-courT, une grosse prise de risque assumée et réussie, quoiqu’encore un peu éparpillée avec le concert de Jî Drû et Sandra N’kaké : premiers morceaux impressionnants, avec une très belle mise en scène, mais le reste sans fil conducteur, dommage... I Put a Spell on You et Four Women (de Nina Simone), les Doors, Heroes de David Bowie, ou Candy Says du Velvet Underground, avec une reprise très jolie de "Mon amie la rose" de Françoise Hardy, plein de petits coeurs amoureux ! (F.D.)

Pascal Schumacher
Pascal Schumacher
© Florence Ducommun - 2015
© Florence Ducommun 2015

Leçon du 14 mai : "se méfier des idées reçues !"
J’avoue ne jamais avoir été trés sensible aux disques du vibraphoniste luxembourgeois Pascal Schumacher dont nous suivons les enregistrements depuis 2009 ( Here we Gong) : musique à la qualité technique un peu froide à l’écoute.
On ne le dira jamais assez, rien ne vaut le concert car à Coutances, l’impression fut bien différente : un vrai son de groupe et une chaleureuse complicité entre les musiciens, avec le public et leur invitée pour deux compositions : la trompettiste Airelle Besson. On découvrira d’autres invités d’ailleurs (comme le trompettiste finlandais Verniri Pohjola) en écoutant leurdernier album "Left Tokyo Right" paru très récemment sur le label Laborie Jazz. À écouter... sans a priori, on l’aura compris !
(T.G.)
Vision partagée par moi-même également, avec la nuance concernant le CD que j’apprécie beaucoup (F.D.).

Gilles Coronado, Louis Sclavis & Kevyan Chemirani
Gilles Coronado, Louis Sclavis & Kevyan Chemirani
© Florence Ducommun 2015

Henri Texier et Louis Sclavis : des amis de 30 ans comme le rappelait le contrebassiste, souffrant, dans le message qu’il a enregistré à l’intention des spectateurs de Jazz Sous les Pommiers, peiné de ne pouvoir être là.
C’est donc Louis qui remplaça Henri au théâtre de Coutances (14 mai) avec son Silk Quartet. Concert de haute densité dans lequel Keyvan Chemirani (percussions persannes) vient enrichir les couleurs du trio et libère des espaces de jeu pour Gilles Coronado (guitare) et Benjamin Moussay (claviers). Juste une semaine après le concert de l’Europa Trio au Mans (Lire ici) , Louis Sclavis confirmait sa grande forme du moment.
Invitée pour le final, Airelle Besson (trompette) brilla sur une musique à l’écriture complexe dont elle a su déjouer les pièges avec aisance !
(T.G.)

  15 mai

Yuko Oshima
Yuko Oshima
© Florence Ducommun 2015

Vendredi 15 mai - Coutances, 12h30.
Yuko Oshima (ordinateur, batterie, voix) et Eve Risser (piano, piano préparé et voix) composent le duo Donkey Monkey depuis pas mal d’années (premier disque en duo en 2007 !). Nous avons pu goûter et apprécier leur musique insolite, libre et inventive au Magic Mirrors. Un bric-a-brac fait d’hommages pertinents à Carla Bley, à Gyorgy Ligeti, de chansons loufoques, le tout ficelé avec le savoir faire de deux musiciennes d’expérience. Un vrai plaisir pour esprits curieux ! (T.G.)
Je confirme ! (F.D.)

Bernard Lubat
Bernard Lubat
© Florence Ducommun 2015

Au théâtre ensuite, Sylvain Luc en solo, puis en duo avec Bernard Lubat : un grand moment, on le devine aisément, Lubat n’étant pas avare de petites phrases assassines et percutantes, tantôt au piano, tantôt à la batterie. " La batterie est en danger...mais Lubat guette " (F.D.)

Pharoah Sanders le soir du 15 mai... Un son incroyable, une légende hélas déclinante qui a laissé jouer son trio les 3/4 du temps, qui, on le palpait, était totalement dérouté par l’attitude de leur leader qui faisait la tête à la régie ce soir là... Très bons musiciens au demeurant, et il le faut quand on joue sans filet ! et pourtant, quel plaisir quand Sanders a daigné un peu jouer à la fin ! (F.D.)

Lire le point de vue de Christian Ducasse dans la "carte postale" qu’il a consacrée à ce concert de Paroah Sanders pour CultureJazz.fr (ici !)


  16 mai

Bruno Angelini, Régis Huby, Marc Ducret, Michele Rabbia
Bruno Angelini, Régis Huby, Marc Ducret, Michele Rabbia
© Florence Ducommun- 2015
© Florence Ducommun 2015

Régis Huby "Equal Crossing"
Un moment magique ! Voilà trois jours que ce quartet "de rêve" en résidence de création peaufinait cette musique en forme de triptyque, invitation à un voyage imaginaire haut en couleurs et riche en émotions. "J’adore ce groupe" me disait Régis Huby (violon, composition)... et nous alors ! Bruno Angelini (claviers), Marc Ducret (guitare), Michele Rabbia (percussion, électronique) : de formidables artistes défricheurs-créateurs !
Ce samedi 16 mai, dans le théâtre,à 12h30 (horaire saugrenu pour une création !), nous avons vécu notre plus beau concert de ce festival 2015. Nous ? Les 200 et quelques spectateurs d’un théâtre aux 2/3 vide. Tout le reste, ou presque, affichait complet... Cherchez l’erreur ! Nous n’oserons tout de même pas imaginer que tout cela est calculé pour évincer progressivement les musiques jugées trop "complexes" ? Défendre et mettre en valeur l’exigence artistique, c’est bien la mission d’un festival digne de ce nom, non ?
(Re)lire ce qu’écrivait Alain Gauthier pour CultureJazz.fr à la suite du concert de ce quartet au Triton en décembre 2014 (création de cette création !!). (T.G.)

Benjamin Moussay, Vincent Segal, Isabel Sörling, Fabrice Moreau & Nelson Veras
Benjamin Moussay, Vincent Segal, Isabel Sörling, Fabrice Moreau & Nelson Veras
© Florence Ducommun 2015

Airelle Besson est en résidence pour deux ans à Coutances... Elle avait donc "carte blanche" ce samedi soir. Au menu : son duo avec le guitariste Nelson Veras, l’accueil du violoncelliste invité Vincent Ségal en trio avant qu’elle ne s’efface modestement pour laisser les deux compères qui n’avaient pas joué ensemble depuis des lustres. Ségal en solo... Puis le nouveau quartet de la trompettiste que nous attendions impatiemment : Benjamin Moussay (claviers), Isabel Sörling (voix, effets) et Fabrice Moreau (batterie).
Une musique tout à fait remarquable, sensible, poètique qui a permis de découvrir que ce vrai groupe à l’énergie maîtrisée posséde déjà son identité en alliant la liberté du jazz et des textures sonores à la voix d’Isabel Sörling qui se faufile avec légèreté et finesse entre les voix instrumentales. Ce quartet nous a fait une belle impression... à suivre !
(T.G.)

Je nuancerai ce propos en me demandant quel est l’intérêt de la voix dans ce groupe ? très jolie voix et belle gestuelle certes, mais pas essentielle à mon avis... (F.D.)


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