L’élégant Jean-Jacques Élangué (presque un anagramme !) poursuit son travail de recherche dans le contexte du "Just Friends Jazz Lab" à géométrie variable. Ce soir-là, trois pointures du trio piano, contrebasse et batterie.
L’élégant Jean-Jacques Élangué (presque un anagramme !) poursuit son travail de recherche dans le contexte du Just Friends Jazz Lab à géométrie variable. Ce soir-là avec trois pointures du trio piano, contrebasse et batterie.
C’est en effet avec Jobic Le Masson au piano, John Betsch à la batterie et Peter Giron à la contrebasse que Jean-Jacques Élangué s’est produit pour un des premiers concerts de la saison au Cri du Port à Marseille. La salle créée par notre collègue Christian Ducasse en février 1981, rejoint très vite par Michel Antonelli qui en assure la présidence depuis 30 ans environ, a une programmation riche et variée comme en témoigne ce concert.
Né en 1967 à Clamart de parents camerounais, Jean-Jacques Élangué retourne quelques années au Cameroun où il apprend la musique en autodidacte, fasciné par Charlie Parker. Revenu en France à Marseille, il va au CNR [1] où il décroche un premier prix en 1995 avec le saxophoniste Raphaël Imbert. Il y a enseigné d’ailleurs quelques années après y avoir obtenu son diplôme d’état. Depuis, discrètement mais activement, il collabore avec de très nombreux musiciens, en particulier au sein du Just Friends Jazz Lab qui naît à Belleville il y a 3, 4 ans au bar O’Paris rue des Envierges (récemment devenu le Moncoeur). Il s’y produit un dimanche sur deux , en fin d’après-midi avec par exemple Tom McClung, Mourad Benhammou, Matyas Szandai, Clotilde Rullaud et beaucoup d’autres (voir l’article qui y était consacré, ici !) ; le principe étant d’ expérimenter, désarticuler et improviser à partir des standards en duo, trio, 4tet, 5tet voire plus avec ses complices de toujours. Une musique en constante évolution y voit le jour, comme dans un laboratoire plein de vie. Il est question de continuer l’expérience à présent au Bab Ilo 9 rue du Baigneur dans le 18°. Ce qu’on va entendre ce soir y a d’ailleurs été interprété la veille.
Quant au trio qui l’accompagne ce soir, il est composé de merveilleux musiciens qui se connaissent très bien, puisqu’ils ont déjà joué ensemble dans le disque de Jobic Le Masson, Hill, sorti en 2007. Ils jouent régulièrement ensemble et avec pléthore d’autres musiciens. Peter Giron et John Betsch sont tous deux nés aux Etats Unis et installés en France depuis 30 ans. Tous trois, comme Jean-Jacques Élangué, ont une carrure qui aurait pu être internationale, mais ils préfèrent la liberté et la discrétion au carriérisme.
Jean-Jacques Élangué est heureux de revenir à Marseille au Cri du Port où il a joué il y a 20 ans. Les années ont passé, mais les amis du Conservatoire sont là et c’est la fête ! Le concert débute avec un des maîtres du saxophoniste, Thélonious Monk sur Played Twice. Le son du ténor est magnifique, comme celui de Charlie Rouse avec Monk dans ce morceau. On entend ensuite une composition personnelle Auklatak, anagramme de Kalakuta, faisant référence à la Kalakuta Republic, nom que le musicien Fela Kuti donnait à la maison accueillant sa famille, les membres de son groupe et son studio d’enregistrement dans la banlieue de Lagos en opposition au régime nigérian. Suit une composition de Jobic Le Masson, Dotted, avec un solo de contrebasse superbe, puis un solo de batterie non moins phénoménal. Nous revenons à plus de calme, le tout baigné d’amour comme se plaît à le répéter Jean-Jacques au sourire contagieux, avec Style de Roy Hargrove.
Un solo de saxophone entame la composition Air CFA du saxophoniste, anagramme d’Africa ( clin d’œil à l’Afrique , une réflexion sur les déboires que nous font subir les chefs d’état en poste, dixit Jean-Jacques ). Le concert se termine sur Past Present, morceau éponyme du disque du guitariste John Scofield sorti fin septembre, où à nouveau Peter Giron et John Betsch nous jouent chacun un solo impressionnant. Les applaudissements nourris entraînent très vite les musiciens à nous jouer un dernier morceau en rappel, Romance pour Rosette, hommage à la sœur du saxophoniste, tiré de son disque en duo avec Tom McClung This is you.
Ce fut donc un concert chaleureux et puissant ce soir avec quatre musiciens d’envergure : Jean-Jacques Élangué a un jeu émouvant et riche, on sent l’influence de l’Afrique pas bien loin. Jobic Le Masson se distingue par son swing calme et délicat, sans excès démonstratif, Peter Giron s’impose en accompagnateur solide et énergique, précis et très lyrique (il chante ses notes d’ailleurs). Quant à John Betsch, c’est la force tranquille avec une frappe sèche et précise, qui tantôt caresse, tantôt attaque après un petit sourire en coin. À noter la réédition en 2008 du magnifique disque Earth Blossom de la John Betsch Society.
Le quartet s’est produit le lendemain à Garons au Prieuré d’Estagel avec succès également, les compositions de la veille dans le désordre, histoire de souligner la souplesse et la liberté du Just Friends Jazz Lab auquel on pourrait ajouter le qualificatif Free ! pour un Just Free Friends Jazz Lab ! ( voir les vidéos du concert plus bas ).
Soulignons la collaboration depuis 4 ans de Jean-Jacques Élangué avec le batteur et complice de longue date Brice Wassy dans le Kelin Kelin Orchestra qui prend une ampleur méritée !
> Pour aller plus loin :
[1] Conservatoire National à rayonnement régional. NDLR