Dans la série "Jazz Fabric" initiée par l’Orchestre National de Jazz autour des formations de ses membres et d’artistes invités, Alexandra Grimal présentait son quartet Dragons le 8 octobre.
Au Studio de Flore, ambiance intimiste as usual.
Alexandra GRIMAL, sax ténor, Bo VAN DER WERF, sax baryton, Joseph DUMOULIN Fender Rhodes et quincaillerie, Nelson VERAS, guitare ; une affaire de famille : sauf Alexandra, tout le monde s’est déjà rencontré au sein de Octurn, orchestre belgo-terrien.
Dans le genre chambriste (mot tendance de l’époque, comme moraniste, RM-iste et chomiste ), tout le début évoque Brian ENO revisité Music for basement ( Note du traducteur : le studio de Flore est en sous-sol ) avec les deux souffleurs en mode acoustique et les deux harmonistes en mode électrifié. Il y a bien un début, mais une fin, y en a-t-il une ? Parce que la musique s’étire, semble agoniser mais non, après l’apnée, elle respire encore et repart, énigme de la vie.
DUMOULIN derrière son Fender couvert de machines d’où pendouillent moult câbles, la joue tisserand. Il déploie une chaîne à gros fils avec la main gauche et à fins fils follets avec la droite. Les deux sax la jouent navette flottante, se nouant, se dénouant, allant chacun son motif. VAN DER WERF, qui sonne mieux que Mulligan, volute et volupte avec douceur. Un si gros instrument et si tant de délicatesse. VERAS reprend les lisières, ajoute une poignée de couleurs ici, en renforce la tenue là. GRIMAL envoie du Grimal avec des vrais gros morceaux d’Alexandra dedans. On croirait de la musique de chambre qui n’effraie pas les voisins mais e-fume : ils s’agitent tous les quatre ah il va être beau le tissu !!! Sergé renversé sur double chaîne, bordures effilochées, allégresse !!!
Et puis, le temps d’une suite, retour à la musique de chambre. La vraie, la discrète, la ouïssable sans provoquer d’émois et-moi-qui-veut-dormir-respectez-mon-repos. Quelques courtes pièces où les deux sax acappellent, occupés à fabriquer au-dessus d’un jour de chaîne, une monstrueuse bouclette faite de torsades caramélisées, de noeuds de vache jersiaise au regard si tendre, d’élégants pampres stalactites ; les différents possibles duos s’expérimentent, l’échangisme ça y va à donf et tout le monde se retrouve au point d’orgue.
Difficile de penser à autre chose pendant qu’ils jouent. La liste des courses : oublie ; un courriel de compassion à Alain Bauer ( le ciminologue auto-proclamé ) fraîchement entarté : oublie ; une lettre de félicitations au nouveau président LR du conseil départemental de l’Essonne qui vient de donner sa chance à un jeune de 90 ans, individu récidiviste bien connu des services de police, en le faisant élire président de la commission des finances : oublie, oublie, oublie.
On est tous sous la couette avec eux et c’est bon.
Ils reviennent nous jouer le magnifique Awake, époque Paul Motian-Lee Konitz-Gary Peacock de Grimal.
Laquelle sourit de toutes ses dents, tout va bien.
jeudi 8 octobre
Studio de Flore
4 rue Eugène Spuller
75003 Paris
À écouter ou réécouter :
Alexandra GRIMAL – DRAGONS : "#Heliopolis"
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