Le 28ème festival "Jazz en Tête" s’est déroulé à Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme) du 20 au 24 octobre. Un petit détour s’imposait sur notre route pour écouter le trio de Jeff Ballard précédé par la quartet de Jeremy Pelt.
Clermont-Ferrand : festival Jazz en Tête 2015 - jeudi 22 octobre.
Le festival "Jazz en Tête" a été fondé en 1988 et repose sur une structure associative présidée par Daniel Desthomas. La direction artistique est confiée à Xavier Felgeyrolles, le fondateur, qui tient à rester fidèle à l’état d’esprit du festival : "La transmission du langage du jazz sans aucune nostalgie des époques révolues.". On remarque ainsi que le jazz venu d’Amérique est toujours très présent dans le programme et on ne s’en plaindra pas : il ne faut pas oublier les racines. En choisissant l’automne pour installer l’événement, on évite aussi toutes les dérives "grosses machines" estivales pour ce recentrer sur la mission culturelle de territoire et ça fait la différence.
D’ordinaire c’est Yves Dorison qui visite ce festival pour CultureJazz.fr mais cette année notre pérégrin fut empêché... par une dent furieusement excitée. Nous avons donc fait escale à sa place à Clermont-Ferrand à l’occasion d’une migration saisonnière.
Ça tombait bien, ce 22 octobre il y avait justement au programme le trio du batteur Jeff Ballard que je n’avais jamais encore entendu "en vrai". Sachant que son trio (sans basse) comprend aussi Lionel Loueke à la guitare et Chris Cheek au saxophone ténor, le menu était alléchant.
Bon, auparavant nous avions le quartet du trompettiste Jeremy Pelt qui ne nous a guère plus emballé que l’ami Dorison justement. Comme il était disponible le lendemain (enfin édenté !), il l’a entendu au Crescent de Mâcon. On se réfèrera donc à son avis que je partage ! (lire ici...).
Quel bonheur d’écouter jouer le génial trio de Jeff Ballard ! D’abord parce que le personnage inspire la sympathie, rayonne et "mouille la chemise", au sens propre (si on peut dire !). L’énergie positive qu’il dégage, l’efficacité d’une assise rythmique qui évite toute raideur assurent un pilotage souple du trio : le courant passe dans des jeux de regards et les sourires de satisfaction. La musique devient ludique dans de telles conditions et c’est bien ce qu’attend un public rapidement conquis.
"J’aime les extrêmes !" (en musique, entendons-nous bien !) dira (en français) Jeff Ballard avant le premier rappel. Partant d’un thème de Chick Webb dont il revisite affectueusement le swing, il glisse sur du binaire pur et dur mais traité avec souplesse. Ce concert fut un vrai voyage dans les territoires des musiques chères à son cœur, sans œillères ni barrières, du blues à Monk, du free au funk, du rock à la tradition africaine (Loueke).
Pour se permettre cela, il faut de la complicité car un tel trio peut être une formule périlleuse. C’est là que la finesse du jeu, l’incroyable palette sonore de Lionel Loueke font la différence. Jouant dans le grave, le guitariste devient bassiste puis se lance dans un solo stratosphérique comme un lâcher de bulles multicolores en usant avec science des possibilités des multiples effets qui élargissent la palette de sa guitare. De ses racines béninoises, Lionel Loueke a gardé le goût du chant des mélopées. Il mettra brièvement le public à contribution, inévitablement, avant de rentrer à nouveau dans ce triangle magique qu’il compose près de la batterie et du saxophone ténor d’un Chris Cheek qu’on a vu totalement métamorphosé.
Pour avoir, à plusieurs reprises, écouté le saxophoniste en concert (et sur disque), j’avais gardé l’image d’un personnage discret, posé, réfléchi, saxophoniste au phrasé souple et ample, à la sonorité chaude : un grand musicien. Dans ce trio, on retrouve bien les traits caractéristiques de Chris Cheek mais il a ajouté à son ténor quelques pédales d’effets qui semblent bien l’amuser mais qu’il maîtrise cependant parfaitement avec la force tranquille qui le caractérise. À la fin du concert, il posera les lunettes et se lancera dans quelques envolées échevelées... Comme quoi, le contexte change un homme !
Énorme succès pour ce trio dans la belle salle de la Maison de la Culture de Clermont-Ferrand ! Visiblement exténués par l’énergie donnée (et bien reçue), le trio a enchaîné de copieux rappels pour conclure avec une version lumineuse du "Wee See" de Thelonious Monk. Que pouvait-on espérer de mieux pour achever un concert magique ?
Maison de la Culture de Clermont-Ferrand - Festival Jazz en Tête 2015
Jeudi 22 cotobre :
Jeff Ballard : batterie / Lionel Loueke : guitare, effets / Chris Cheek : saxophone ténor, effets
À savoir...
Si vous êtes de passage à Clermont-Ferrand, ne manquez pas de faire un tour dans l’immense librairie "Les Volcans" qui se trouve juste en face de la Maison de la Culture. C’est un vrai paradis pour les lecteurs avec un choix énorme d’ouvrages et, en plus, c’est une S.C.O.P. (Société Coopérative et Participative), raison de plus pour y faire un tour !
Quelques photos de plus dans le portfolio ci-dessous !