Le trio Louis Sclavis (clarinettes), Dominique Pifarély (violon) et Vincent Courtois (violoncelle) conversait de concert le vendredi 27 novembre à l’Atelier du Plateau (Paris 19è)...
Mieux que multiplier les concerts ? Assister en masse à ceux qui existent.
C’est chose faite ce vendredi soir à l’Atelier du Plateau. Salle comble pour écouter le trio acoustique SCLAVIS-PIFARÉLY-COURTOIS. Pour mémoire : clarinettes-violon-violoncelle.
S’il s’avère compliqué certains soir de choisir un concert plutôt que l’autre, là présentement, venir les écouter a le goût d’une évidence. Trois musiciens magnifiques, des dont on se demande s’ils émergent un jour du flot de musique dans lequel ils baignent, trempouillent, apnéisent, naissent et renaissent, pour n‘écouter que le silence. Trois lascars dont nul ne doute que la rencontre sera de toute façon épatante, quoiqu’il arrive, en dépit de, malgré, grâce à et même si. C’est dire.
Les premiers sons tracent un interstice interstellaire, une fissure géante, un faille abyssale et les murs disparaissent. D’une comptine simple, un gimmick qui va squatter la mémoire les prochains jours, ils nous entraînent, entre l’écrit et l’improvisé, le prévu et l’imprévu, dans leur monde majestueux. Ces gars-là ont pris de l’avance sur la RAID, la BRI et tous les autres keufs du moment : pas d’oreillette, pas de tauquiwauki. De la pure télépathie. Avec de temps en temps, un regard de Courtois, sis entre ses deux complices. Pardon : collègues. En ces temps d’état d’urgence où même un maraîcher bio se fait perquisitionner, il convient de manier le dico avec soin.
Eux ne semblent pas du tout dans l’urgence. Pendant les soli de l’un, les deux autres ostinatent, discutaillent, s’arrêtent. Et puis, énigme pas encore résolue, tout le monde s’y retrouve pour une redite de la comptine. La classe.
Ça semble hyper simple leur musique, ni jazzeuse ni classique ni contemporaine ni rien d’autre. De la musique, juste de la musique. Et pourtant, ils en font des trucs. Aucune limite techique, aucune frontière, pas l’ombre d’une hésitation.
Comme le dit Yun Men :
« Quand vous marchez, marchez.
Quand vous êtes assis, soyez assis.
Ne tergiversez pas. »
Ils ont tout compris.
On fait le tour de la maison de Sclavis avec les trois morceaux : « Mont Myon » juste devant, « La Carrière » un peu à droite et « Cèdre » derrière.
Courtois et Pifarély aussi contribuent au programme : Liaison, Sixteen weeks et Quand tombe le masque.
On les rappelle vigoureusement pour une délicieuse déconnade musicale à l’humour empli de clichés : un cow boy avec un pistolet en bois ? Un hobo tombé du train et qui se marre comme une baleine échouée ? Une bande-son d’un Buster Keaton ? Un vrai-faux blues bancal ?
Merci les mecs pour cette épaisse tranche de bonheur partagé, avec des ingrédients dedans qu’on ne savait même pas que ça pouvait exister.
Vendredi 27 novembre 2015.
Atelier du Plateau
Impasse du Plateau
75019 Paris
En l’absence d’un photographe à ce concert, les photos sont signées Florence Ducommun et Marceau Brayard (CultureJazz.fr © 2015)