Le guitariste Gilad Hekselman jouait en trio au Duc des Lombards (Paris) le 27 novembre 2015 et au Cri du Port à Marseille le 3 décembre...
> Duc des Lombards (Paris 75001), vendredi 27 novembre 2015
Chacun sait aujourd’hui que nous vivons des moments qui s’inscriront dans notre « Je me souviens ». Notre Vingt et Unième siècle. L’Histoire fera son tri. Devant nous le monde bascule de manière inconsciente ou brutale. Celui des arts en gardera la trace qu’elle soit picturale, littéraire ou musicale sans qu’il en ait vraiment le choix, il en a toujours été ainsi. Il ne cède en rien à l’urgence, c’est la liberté dont il est le synonyme. Chacun portera en lui ces moments.
On sait aussi qu’il y a la force d’une tradition que rien ne pourra jamais ébranler qui traverse les époques et nous fait vivre.
Cette soirée au Duc des Lombards en sera-telle un des échos ? Trop tôt pour le dire. Mais on arrive et mine de rien ça vous chope de manière inopinée, la musique entendue a en elle ce pouvoir. Nous sommes loin du choc esthétique encore moins théorique mais c’est plutôt de l’ordre de l’enlacement. Car la musique de Gilad Hekselman vous tend les bras et s’appuie sur des fondamentaux, la solidité et l’humilité, qu’elle porte en elle. C’est son véhicule. Ici point de mesures à la métrique complexe, ni de formes tarabiscotées, non cette guitare n’a pas besoin de ces artefacts pour exprimer ce qu’elle a à nous dire et nous saisir. Après coup on cherche d’où cela peut bien venir, de quelles traditions elle est le fruit. À notre évidence, elle porte celle des Jim Hall, Pat Metheny et de quelques pincées à la John Scofield. Elle a en elle cette fluidité, ce liant que l’on sent venir du blues de Charlie Christian. Le nom de Sonny Rollins nous est venu également à l’esprit sans que l’on sache réellement pourquoi. N’oublions pas non plus que Gilad a débuté par le piano classique avant de bifurquer vers la guitare et nul doute que le grand Bach y est pour quelque chose.
Sentiment renforcé par l’interprétation de compositions signées Baden Powell, le brésilien que l’on sait avoir été influencé par le maître cantor de Leipzig. Quelques perles, un standard relativement rare comme cet Old Folks magnifiquement distillé. De ces moments il nous faut aussi souligner le travail du contrebassiste Joe Martin ce fidèle compagnon de Mark Turner. Il fait partie de ces musiciens qui prennent la contrebasse par les graves et sans abuser de la walking bass distille un swing puissant et intransigeant auquel il faut associer le jeune batteur Kush Abadey qui est pour nous une découverte et dont le drumming, on le devine, vient de la grande tradition du tambour afro-américain, claves, jazz, blues, funk.
Virtuosité et musicalité sans esbroufe, la musique de ce soir nous espérons la revoir et l’écouter à nouveau dans nos contrées, elle restera dans nos mémoires associée à ces moments. Nous l’écrivons au jour le jour, témoin de nos « Je me souviens ».
.::Pierre Gros: :.
Duc des Lombards
42 rue des Lombards, 75001 Paris
vendredi 27 novembre 2015
Gilad Hekselman, guitare / Joe Martin, contrebasse / Kush Abadey, batterie
> Le Cri du Port Marseille, jeudi 3 décembre 2015.
Florence Ducommun assistait, elle, au concert marseillais du trio quelques jours plus tard.
Elle évoque ce concert dans nos pages "satellites", ici sur Google+... "Un concert exceptionnel dont je me souviendrai !"
Ce concert en quelques images...
Le dernier disque paru...
Gilad HEKSELMAN : "Homes"
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