Dans la série de concerts Jazz Fabric à l’initiative de l’Orchestre National de Jazz, le 27ème épisode réunissait le groupe Caravaggio et l’ensemble allemand Decoder jeudi 11 février 2016 au Carreau du Temple (Paris - 3è).
JAZZFABRIC (ONJazz) continue de secouer les certitudes et de pousser des portes ici et là dans le vaste monde de la musique.
Ce soir, avec une création qui réunit le quartet français CARAVAGGIO (Bruno CHEVILLON contrebasse, guitare basse et une pléthore de pédales d’effets, Éric ÉCHAMPARD, batterie, percu et pad, Benjamin DE LA FUENTE, violon, guitare, mandocaster électronique, compos et Samuel SIGHICELLI, orgue Hammond, synthé, sampler, compos) et le sextet allemand DECODER (Frauke AULBERT, soprano, Carola SCHAAL, clarinettes, Sonja Lena SCHMID violoncelle, Leopold HURT, e-cithare, Andrej KOROLIOV, piano-claviers et Jonathan SHAPIRO, percus).
Il s’agit ni plus ni moins, comme le précise le livret de présentation, d’une « incursion déterminée dans le champ de la musique contemporaine alternative », celle qui bifurque, l’autre.
Les deux formations débutent par une pièce pluridisciplinaire-polysensorielle-multidirectionnelle où oreilles, zyeux et corps sont mis à l’épreuve, pardon : soumis à l’épreuve.
Entre les masques d’Anonymous animaliers des musiciens, la vidéo qui joue à confuser le temps, le lieu et les acteurs, les sons déconstruits-reconstruits par la grâce des petites machines électroniques et la puissance de ces sons qui vient faire vibrer les cellules douillettement enchâssées dans l’enveloppe épidermique de chacun, où porter l’attention ? La vie scénique grouille de vie. Un genre de Bunny pour de vrai-faux passe un coup de fil sans fil à un genre de Mort virtuelle sur écran et nous devenons voyeurs au bord de l’Achéron : le mec qui a trébuché tout à l’heure et gît vautré sur la scène est-il mort ? agonisant ? juste assommé ? Les fantômes de Pierre Henry, du Voyage ( 1962 ) et du Livre des Morts Tibétains, traversent les cintres.
CARAVAGGIO continue seul le voyage qui semble les emmener du coté de la comète Tchouri. On nous l’avait pas dit mais le robot Philae a emporté une sono de ouf, qui permet de jouer de la musique électronique. Électronique-les voisins même. Là, ils sont tellement loin les voisins qu’on peut y aller à fond. Il se passe des trucs entre le marteau et l’enclume de nos oreilles, des trucs que la faculté de médecine réprouverait. Au secours !!!! Ils font mentir le film Soleil Vert, ce n’est pas Dvorak qui accompagne l’ultime passage, arghhhhhhhh.....
DECODER revient, huché sur les épaules de grands prédécésseurs, Karl Schulze, Kraftwerk pour les plus populaires. Côté conversation entre machines, ils en connaissent un rayon. Un diamètre même. Et une question taraude : quoi d’neuf docteur depuis les débuts de l’IRCAM, des recherches électro-acoustiques et de la bidouille à tout va ? Une musique industrielle, peut-être, dont on ne sait si elle célèbre les patrons ou renseigne sur le malheur des ouvriers.
CARAVAGGIO et DECODER se rassemblent - ça sent la fin du voyage triomphant, le jardin céleste partagé, le bar des vieux poteaux, les 70 vierges : à chacun son fantasme - pour un final qui oscille entre rock progressif (avec une pulse qui secoue ) et pure musique électronique ( l’EPR a de l’avenir ). C’est beau, plein, rond. Tout vibre, l’air, les fauteuils, les corps. Einstein avait raison, le monde est vibration. Vu la gnaque sonore qu’ils y mettent, pas sûr que Saint-Pierre ne les envoie pas foutre le souk en enfer.
PS : un SMS nous parvient d’Andromède : « Merci de baisser le son. Belle soirée. Amitiés. ».
Jeudi 11 février 2016
Le Carreau du Temple
2 rue Perrée
75003 Paris