Un concert complet samedi 15 octobre pour faire honneur au pianiste italien reconnu comme un des plus talentueux de sa catégorie.
Quand on prononce le nom d’Enrico Pieranunzi dans le cercle avisé du jazz, les yeux s’ouvrent et brillent. Inconnu en France jusqu’à ce que Philippe Vincent fondateur du label IDA Records le produise en 1990 après qu’on l’ait remarqué au côté du contrebassiste Riccardo Del Fra, le pianiste de soixante-six ans reconnaît selon ses dires que ce fut pour lui un tournant, tant dans sa vie privée que dans sa musique. Ayant reçu une double formation classique et jazz, cela imprègne son jeu tout entier et a nourri sa carrière internationale avec près de quatre-vingt-dix disques produits et plus de deux cents pièces dont certaines sont devenues des standards de jazz. C’est dire comme je l’attendais, n’ayant encore pas eu la chance de l’écouter ! Et ce soir, il est accompagné par le contrebassiste Diego Imbert et le batteur Donald Kontomanou. Le premier dont les preuves ne sont plus à faire, le second qui se bonifie concert après concert et se révéla particulièrement brillant ce soir.
Le concert en deux sets s’ouvre sur un standard de Cole Porter, Everything I Love, suivi de Tales From The Unexpected, magnifique thème du disque éponyme sorti l’an passé. Je ne Sais Quoi, superbe ballade du disque « First Song » avec Charlie Haden et Billy Higgins en 1990 et reprise de multiples fois ensuite, nous plonge tous dans un état second. Un jeu aérien, élégant, un "je ne sais quoi" d’incomparable qui lui va comme un gant, bien servi par la grâce du jeu du contrebassiste toujours fin et délicat et s’accordant parfaitement à celui du pianiste. Quant au batteur, un vrai régal... Après I Hear a Rhapsody, standard de jazz des années 40, I Can’t Get Started (with You), chanson écrite par Vernon Duke (musique) et Ira Gershwin (paroles) conclut le premier set avec beaucoup d’élégance.
Le second set s’ouvre sur les accords de Someday My Prince Will Come, détricoté et retricoté à l’infini, suivi d’une version du célèbre Yesterdays, composé par Jérôme Kern en 1933, qui devint vite un standard de jazz. Un clin d’œil malicieux à Thelonious Monk avec un Panonica qu’il malmène et bouleverse totalement en le passant d’une mesure 4/4 à 3/4. "Monk est d’accord" plaisante-t-il ! Aucun programme établi à l’avance, il enchaîne avec Straight No Chaser croisé avec Round Midnight avant de partir sur une de ses compositions au titre "trop compliqué " qui n’est autre que le très beau Anne Blomster Sang entendu dans son duo avec le guitariste italien Federico Casagrande dans « Double Circle » puis dans « Tales From Unexcepted ». Le tempo y est plus (trop ?) rapide en concert. Suit Strangest Consequences, séduisant thème du pianiste avec son trio américain, le contrebassiste Scott Colley et le batteur Antonio Sanchez dans le disque « Permutation » en 2012 . Une version enlevée du St Thomas de Sonny Rollins termine le concert qui sera suivi d’un court rappel sur Autumn Leaves.
Au total rien de bien nouveau, en particulier pas de morceau du dernier disque « Ménage à Trois » si bien chroniqué par notre ami Yves Dorison, où joue également Diego Imbert avec André Ceccarelli à la batterie. Mais des standards ou des morceaux de la composition du pianiste, qui selon certains, n’a pas donné le maximum et n’a pas développé tout son potentiel. Mais ce sont les habitués qui disent cela. Pour ma part, ce fut un magnifique moment où je suis tombée sous le charme de ce pianiste au toucher unique dans un trio où l’on ne savait qui relançait l’autre, et qui avait la délicatesse de se lever après chaque interprétation pour saluer ! Grazie mille Maestro Pieranunzi !