Et pourquoi pas aspirateur tant qu’on y est ?... Les frères Ceccaldi à l’œuvre.
Après les trois semaines circassiennes où les places assises étaient comptées, l’Atelier du Plateau retrouve son format « concert » : des rangées de chaises avec l’espace qui va bien autour. Une fois n’est pas coutume, des perches et une forêt de micros : ce soir on enregistre.
Valentin CECCALDI, violoncelle et Théo CECCALDI, violon et alto vont nous passer un coup de brosse. Paraît-il. Comme le dit le doc de présentation.
Ils testent le silence : boïnggg au cello, un tiré discret au violon, écoute du silence, longtemps, boïngggg, …, ils écoutent le silence du lieu, le silence du public ( va-t-il supporter ces longs riens ? ), leur silence. Et puis, comme s’ils s’étaient perdus de vue depuis un moment, ils entament une tchatche. Comme un débat de Primaire : l’un, les deux, l’autre, des points d’accord, pas que.
Et, le voyage immobile le permet, un genre de japoniaiseries façon koto. Ça irradie sévère raconte le cello muté en Geiger fou, sûr qu’à la vitesse où l’archet cisaille les cordes, vaudrait mieux se tirer. L’autre s’en fout, la vie est normale ici, un coup de brosse sur les fringues hop hop ; d’accord, on a un peu revu à la hausse le niveau acceptable mais dis donc, tu crois que les JO de 2020 à Tokyo, on les ferait dans le danger ? Alors ?
Le cello gueule, trépigne, ha-sachi !!
Cause toujours que chacun dit à l’autre, ha-sachi encore !!
Il en prend à son aise l’autre. Et autant profiter du contexte : irradiés, contaminés, foutus pour foutus, ils le vident leur sac. Tout y passe, l’enfance, l’adolescence, le départ du nid, t’as toujours été le préféré de papa, mais non mais si. Récriminations, rancoeurs, regrets, … y’a de l’amour aussi, soudain, dans un léger pizz surgi va savoir d’où et dans un jeu totalement synchro, énigme de l’improvisation. Ils la retrouvent la comptine pour s’endormir, et celle à chanter en revenant de l’école. Que le cello détourne. Lui, il vient de lire l’Histoire du mouvement situationniste et il s’en sert. Ils ont le temps maintenant qu’ils sont rabibochés, alors il lui raconte, l’île au sud, pas du tout sous les vents de la centrale pourrie, île lointaine, inchangée, un rêve de paradis terrestre, ils sont en phase, on dirait qu’ils suivent une partition pas encore écrite.
En cette semaine de littérature récompensée, eux l’écrivent en direct leur fiction. À ce moment, on sent bien qu’ils ont épuisée l’idée. Vont-ils conclure ? Sur ce pianissimo ? Ce pianissimo frotté. Un frottis du cello que l’alto rejoint. Et pour frotter, ça frotte : c’est dément, l’atelier n’est plus qu’une vibration, il en déboule de partout des harmoniques, Evan Parker, sors de ces corps !!
Encore, une fois, là où on se sentirait comblé d’en finir, ils trouvent un interstice interstellaire, on appellerait ça un obstacle, une embûche, une opposition dans le livre.
Et puis, après toutes ces aventures, retour à l’intro façon ourobouros.
Boïnggg au cello, un tiré discret au violon, écoute du silence. One more time.
Le silence est-il plus vaste maintenant ?
Ses éclats se déposent ici, là, lentement : sûr qu’on va devoir la passer, la brosse.
Vendredi 5 novembre 2016
Atelier du Plateau
Impasse du Plateau
75019 Paris