Dans le cadre de "Jazzycolors", festival qui réunit 25 centres culturels parisiens, on pouvait écouter l’octet "Urbex" dirigé par le batteur belge Antoine Pierre... Alain Gauthier y était !
Alors donc, dans la douceur pré-printanière de fin novembre, la foule se presse au Centre Wallonie-Bruxelles pour écouter Antoine PIERRE et son groupe à l’occasion de la sortie française du CD URBEX.
Histoire de montrer qu’il est le taulier, PIERRE introduit des pieds et des mains le morceau initial avec le quintet de base : lui-même, batterie et compositions, Jean Paul ESTIÉVENART, trompette, Bert COOLS, guitare électrique, Bram De LOOZE, piano et Félix ZURSTRASSEN, basse électrique. On entend le guitariste soloïser, le trompettiste aussi. C’est tranquille, assuré et on sent que la tournée de l’année 2016 a installé du confort.
La patte de Pierre est repérable et ira se répétant : des alternances de furie presque furieuse et des moments paisibles, si paisibles qu’on est prié de secouer son sonotone.
Trois acolytes les rejoignent : Tom BOURGEOIS, sax ténor, soprano et clarinette basse, Steven DELANNOYE, saxophone ténor et Frédéric MALEMPRÉ, percussions.
Attention les yeux et les oreilles, le belgoctet, ça va donner !! Avec Coffin for a Sequoia, la tournerie de soli entre les ténors et la trompette met tout de suite le feu. Cramer un sequoia, faut oser. Avec Metropolitan Adventure, ils la jouent big band. Le pupitre de souffleurs envoie des riffs turbulents qui poussent le guitariste au creux des reins ; l’écriture est acrobatique et atmosphérique.
On les visualise les friches et autre lieux à l’abandon : un bloc opératoire, une piscine à sec, un local du parti socialiste, un hangar à fusées du genre à fabriquer les orages dont il est censé protéger les fusées. On pourrait feuilleter un des ces livres de photos tendance Exploration Urbaine et en faire la bande son. Entre la clarinette basse et le tempo « marche-du-chameau » impulsé par un spacedrum, on a le temps de rêver d’un végétal qui se déploie dans une fissure du béton précontraint avec du quartz dedans, avant que le ténor n’envoie un solo post atomikkk. C’est très beau.
Avec Close enough, le 5tet s’accroche à la partition : écriture millimétrée, métronome intérieur conseillé et pas le temps de respirer. On reste concentré.
L’octet a trouvé ses marques, chacun a posé ses charentaises et on sent que pour le sprint final, le sang belgo-cycliste va pulser.
Entropie puis Spin, du nouveau programme en cours, sonnent funky, y’a des quarks partout. On passe de la puissance du big band au piano intimiste, on aurait presque envie d’entendre un Nocturne, à défaut de Brian Eno qui n’a pas commis de musique pour Urbex. Bien sûr, Pierre se fend d’un grogrogrosolo de batterie.
Avec To Morrow, ce sont les ténors qui prennent toute la place lors d’une battle saignante mais pacifique. Impossible de ne pas penser au Mégaoctet tant l’énergie de cette bande de jeune irradie à faire honte à un EPR (Engin Plutôt Raté ).
Au rappel, il n’y a pas photo : ils terminent comme ils pourraient commencer. Perchés comme une bande d’étourneaux, avec autant de temps que possible pour les soli : le solo de soprano bonjour !!! et celui du percussionniste, re-bonjour. On a bien senti qu’à faire couler l’eau d’un bol dans l’autre, à recommencer façon vous l’entendez ma cascade ? il voulait tester la ténacité des prostatiques. Mais fume, c’est du belge, tout le monde a tenu et on serait bien resté un peu plus.
La goûteuse bière de Liège offerte dans le lounge du lieu serait-elle une tentative délibérée de nous faire demander le rattachement de la France à la Belgique, une fois ?
NB : ce concert s’inscrit dans le cadre du Jazzycolors, festival qui réunit 25 centres culturels parisiens pour présenter le jazz de partout et d’ailleurs. Du jazz migrant, le meilleur.
Mercredi 24 novembre 2016
Centre Wallonie-Bruxelles
46 rue Quincampoix
75004 Paris
Le disque :
Antoine PIERRE : "Urbex"
|