Jean-Marie MACHADO – Didier ITHURSARRY : "Lua"

Allier un piano et un accordéon n’est pas chose facile. Jeu à quatre mains, claviers, accords, les deux instruments semblent avoir de nombreux points communs et des occasions pour se marcher sur les touches. Ils ont aussi leurs particularités, marteaux, anches libres, percussions, soufflets, pédales. Oui mais la maîtrise de l’harmonie, des sons ça peut donner des ailes surtout lorsque l’on partage main dans la main la même sensibilité et le sens du dialogue « à hauteur d’hommes ».
Jean Marie Machado est un artiste complexe, explorateur d’univers musicaux multiples. Ses projets seraient-ils le miroir de son héritage culturel ? Né au Maroc, une mère italo-espagnole, un père portugais, on est multilingue chez les Machado. Travail de mémoire, musicien de création, il effectue son apprentissage auprès de Catherine Collard et d’Andy Emler. Insatiable chercheur, de l’orchestre au trio ou comme ici en duo, il partage avec l’accordéoniste basque Didier Ithursarry le goût des rencontres, des échanges et des risques, des parcours aux frontières du jazz, de la musique classique, des musiques populaires et traditionnelles. Deux artistes en perpétuelle quête de sens, en un mot, libres et hors-conventions.
Et chacune des pièces interprétées, en majorité des compositions des deux musiciens, est le prétexte tout trouvé à l’expression des émotions les plus vives, des couleurs pianistiques françaises de la première moitié du XXè siècle (Sentier évanoui), aux fréquentations latines (Aspirer la Lumière), à l’expression du blues (JSB), en passant par le fado Perseguiçao aux sentiments exacerbés, la part faite au lyrisme ici trouve son plus bel aboutissement. On ne peut qu’être impressionné par les qualités rythmiques de l’accordéoniste qui prouve que l’apparente pesanteur de l’instrument ailé n’est qu’un leurre, que son champ expressif, si l’on en maîtrise les rouages musicaux et les mécanismes obscures qu’il a dans le ventre, est sans limite. On se délectera du traitement que fait subir Jean Marie Machado au Nocturne n°1 de Chopin, prenant chaque phrase comme autant d’alibis à l’improvisation, sans oublier ses qualités compositionnelles et expressionnistes qui parcourent l’ensemble de l’album. Un disque dont l’intimisme nous fait penser au Soft Talk de Michel Graillier et Riccardo Del Fra. On a de moins bonnes fréquentations.

Un dialogue tout simplement « à hauteur d’hommes », raison suffisante à nos yeux pour lui attribuer un OUI !.


  GOT TO BEAR - Caroline Faber, Richard Bonnet, Eric Dambrin : "The Feeling Of Blue"

Nous recevons à CultureJazz pléthore de disques de chanteuses dont nous ne voulons pas parler par pudeur (pour cela nous vous invitons à -re-lire le Post Scriptum du Pérégrin (ici). Alors, quand enfin quelque chose de différent se présente, nous ne pouvons manquer d’en narrer les effets, cela nous fait du bien.
Nous les avions déjà vus en concert dans un lieu inattendu (...ici...) et le frisson du blues nous avait fait dresser quelques poils. Oui, nous avions aimé cette guitare rauque, cette voix chaleureuse, rugueuse juste comme il faut, une vraie gueule d’atmosphère dans le bleu humide d’une cour parisienne. Richard Bonnet n’est pas homme à s’en laisser compter. Sa guitare, il la prend à pleines pognes et on reste admiratif devant sa capacité à trouver des formes, des sons comme sur Psychotic, devant l’originalité de son accompagnement sur Cotidiano qui échappe à la bossanerie bêbête pour une version plus anguleuse et âpre du Brésil, pas plus que la chanteuse Caroline Faber n’a froid aux yeux, et de se jeter dans des improvisations qui évitent sagement les sempiternels et barbant scats ou en duo avec le percussionniste Eric Dambrin sur l’intro de Woman of the getto. Et toujours le frisson du blues sur Vera Rêva magnifique et sensible chanson ici interprétée en duo avec le guitariste.

On le sait, on le devine, on prend des chemins de traverse, on franchit les rivières, des montagnes qui bougent, des océans inattendus. Car on aime le Monde. On se parle, on s’interpelle, on pérégrine. L’humain est l’animal qui marche loin, le voyage, l’errance est inscrit là dans ses tripes. Le blues, ce baroudeur, n’a pas de mur. Il le traverse comme le passe muraille, un état d’humeur sans frontière. Et qu’on ne s’y trompe pas : le blues est un pays où tout le monde est welcome.

C’est en trio lors d’une escapade new-yorkaise qu’ils ont décidé d’aller enregistrer au studio de John Kilgore. New York, ville symbole, aujourd’hui libre et résistante.
Oui ! pour toutes ces raisons.


Jean-Marie MACHADO – Didier ITHURSARRY : "Lua"

> Cantabile - 06 / L’Autre Distribution 03/02/2017

Jean-Marie Machado : piano, compositions / Didier Ithursarry : accordéon

01. Sentier évanoui / 02. Aspirer la lumière / 03. JSB / 04. Perseguiçao (de Souza - Maïa) / 05. Vuelta / 06. Lezanafar / 07. Broussailles / 08. Nocturne n°1 / 09. No church but songs / 10. Lua // Enregistré en juin 2016 aux Studios La Buissonne (84 - Pernes-les-Fontaines) par Gérard de Haro.

GOT TO BEAR - Caroline Faber, Richard Bonnet, Eric Dambrin : "The Feeling Of Blue"

> Futura et Marge - Futura Voix 04 / futuramarge.free.fr

Caroline Faber, voix/ Richard Bonnet, guitares/ Eric Dambrin, batterie

01. Feeling Good (A.Newley-L.Bircusse) / 02. Burn Out (C.Faber-R.Bonnet)/ 03. Coloring The Clouds (C.Faber-R.Bonnet) / 04. Il Bat (C.Faber-R.Bonnet)/ / 05. Cotidiano (C.Buarque) / 06. Vera Rêva (C.Faber-R.Bonnet) / 07. Psychotic (C.Faber-R.Bonnet) / 08. Woman in the Getto (E.Richard) / 09. Black Trombone (Serge Gainsbourg) / 10. J’en sais rien (C.Faber-R.Bonnet) // Enregistré en décembre 2015 au studio John Kilgore New York sauf Black Trombone par Charles Frossard au studio Mesa.