Invitée par l’association Media Music Dijon dans la cadre des concerts de D’jazz Kabaret, Anne Paceo présentait son programme « Circles » avec son quartet mercredi 8 février 2017.
Cette jeune femme que je me permets aujourd’hui de baptiser « la fille aux baguettes en or », est maintenant bien plus qu’une grande révélation du jazz français.
En 1994, la fillette dont la maman est peintre et le papa guitariste, découvre la batterie durant sa première décennie et très vite s’approprie l’ensemble de cet instrument de percussions aux multiples facettes. Elle a vécu les toutes premières années de sa vie en Côte d’Ivoire, sans doute bercée par lesdites percussions…
À l’âge de 14 ans, Anne Paceo fait connaissance avec le monde du jazz et participe à de multiples stages festivals, et autres master classes. C’est là qu’elle approche des grands maîtres comme Kenny Garrett, Diane Reeves, Maceo Parker, Ravi Coltrane… Ses expériences s’enchaînent, sa biographie s’enrichit avec Chistian Escoudé, Rhoda Scott, Michel Legrand, Alain Jean-Marie, Riccardo Del Fra et beaucoup d’autres grands musiciens de jazz, sans oublier les quatre années passées dans la classe jazz du Conservatoire National Supérieur de Paris, c’est là qu’elle rencontrera son maître et formateur, le batteur Dré Pallemaerts.
En 2006, elle participe au Tremplin jazz à Saint-Germain-des-Prés et obtient le prix de groupe avec Triphase, une formation qu’elle avait crée un an plus tôt avec Leonardo Montana au piano et Joan Eche-Puig à la contrebasse. S’enchaînera alors un riche parcours de festivals en France (Jazz à Vienne, Paris Jazz Festival…) et parallèlement à l’international comme à l’Abidjan Jazz Festival, en Espagne, à Taipei… déjà plus de quarante cinq pays sur cinq continents.
L’année dernière, en 2016 à 32 ans, Anne Paceo devient « l’Artiste de l’année » aux Victoires du jazz. Cinq ans auparavant, en 2011 toujours aux Victoires du jazz, elle devenait « révélation instrumentale » et en 2009 « nouveau talent » aux Djangodor.
À Dijon, invitée par l’association Media Music Dijon dans la cadre des concerts de D’jazz kabaret, Anne Paceo va avec son programme « Circles » régaler les 270 spectateurs venus l’écouter mais aussi la découvrir au Théâtre des Feuillants.
Déjà, dès les premières notes, son regard illumine à la fois la scène et ses trois musiciens.
J’ai d’ailleurs rarement observé, d’entrée de jeu, autant de joie et de charisme chez un artiste lorsqu’il ou elle débute son concert. On sent immédiatement chez cette jeune et belle musicienne dont les yeux pétillent, le grand plaisir d’être sur une scène et donner d’emblée ce qu’elle a envie, ce soir là, de nous donner.
Son engagement est d’ailleurs communicatif, ses musiciens le partagent, ils sourient eux aussi.
Pendant plus d’une heure, Anne va se transcender et nous démontrer que l’instrument qu’elle a choisi lorsqu’elle était toute petite, se marie parfaitement à sa personnalité.
Jouer ainsi de la batterie devient un art pictural. Anne a le geste juste, observe ses cymbales, les fixe, leur parle, écoute les sons de leurs réponses, les caresse, parfois même souffre avec elles lorsque le tempo s’accélère, comme peut souffrir un coureur de fond lorsqu’il aperçoit la ligne d’arrivée et que du coup, il accélère sa foulée…
Vous l’avez bien compris, il y a là dans dans la façon d’interpréter sa propre musique, une réelle performance physique. En contemplant son jeu, quand on connait la puissance de certains batteurs masculins, il peut nous venir aussi à l’esprit une question toute simple : Comment cette jeune femme petite, légère arrive-t-elle à aussi bien maîtriser les volumes de ses percussions ? La batterie, on le sait, c’est d’ordinaire assez physique, mais là il y a beaucoup plus : la grâce !
Certes, les réponses sont certainement nombreuses : un très long travail, une riche expérience personnelle visiblement, un engagement total, mais il y a peut être d’autres critères… J’ajouterai que sur scène, tous les éléments qui composent sa batterie sont disposés de manière très étudiée, rationnelle, rapprochés les uns près des autres, afin j’imagine de ne faire qu’un pour ainsi répondre au mieux à ses demandes, à ses exigences et à celle devenue à son tour, un maître de la batterie « la fille aux baguettes en or ».
Anne la batteuse, sait aussi partager sa musique, celle qu’elle même a composée.
Leila Martial au chant est remarquable de précision dans le positionnement de sa voix. Elle cherche et trouve constamment les sons justes à créer, adaptés à l’écriture de « Circles », au moment choisi et de façon ponctuelle Leila marie judicieusement sa voix aux sons émis par le saxophone de Christophe Panzani.
Musicien élancé, discret, les yeux en permanence rivés sur l’infini, entièrement concentré dans son imaginaire, Christophe Panzani visualise et déroule parfaitement avec mémoire et fluidité, les différentes couleurs de ses partitions.
Tony Paeleman au Fender Rhodes et claviers, tout aussi discret, soutient solidement et harmoniquement le bel ensemble et, à son tour lorsque le moment s’y prête, s’aventure dans un fin chorus.
Enfin, Anne Paceo sait aussi avec justesse s’exprimer avec sa voix, ses sons produits peuvent parfaitement évoquer les multiples paysages lointains qu’elle a rencontrés et qu’elle nous dit affectionner, comme les aurores boréales et ainsi se juxtaposer aux sons de Leila Martial, c’est alors la naissance d’un délicieux climat, aux plus beaux effets harmoniques colorés.
Un superbe concert et de belles mélodies.