Festival pour piano aventureux.

Un trio jazz tout à fait classique avec Eve RISSER au piano ( préparé ), Benjamin DUBOC à la contrebasse et Edward PERRAUD à la batterie. Classique dans la forme mais pour le reste, autant oublier les grands ancêtres, Bill Evans, Bud Powell ou Keith Jarrett. Ce soir, ni thème, ni pont, ni impro convenue à toi à moi parce que ça débute comme un tâtonnement à travers le silence ; l’un dépoussière ses fûts et ses cymbales, l’autre câline ses cordes et la dernière effleure son clavier.
Le silence ignore si c’est du lard fumé ou du cochon vif : laisser la place ? Faire mine de partir ?

Une atmosphère donc, pas une ambiance, une atmosphère. Tissée d’ondes, de résonances, de flottements, de glissements. Le calme de l’eau qui dort, l’eau de la mare que le poisson quantique occupe sans qu’on sache jamais où il nage. Atmosphère planante où se développent des histoires secondaires, on oublie le héros, on découvre les liens qui unissent le piano et la basse pendant que la batterie folâtre. Risser tire un fil, l’épisse, le raboute, le noue, le dénoue. Il devient ostinato qui fédère le trio. La contrebasse se demande jivaiti-jivaitipa, elle sent qu’il y a la place pour elle mais non, elle kipe ouaitinnngue. Ah ça y est, elle y va. Sous les doigts de Perraud, une peau imite le son de la basse. Confusant.
L’histoire avance en séquences construites sur un ostinato arrivé là en mode stochastique. On sent bien qu’au sortir d’une idée forte qu’ils ont exploré jusqu’à l’épuiser, ils errent chacun de leur côté dans un nomade’s land qui ne tient ni du vide grenier ni de la foire mais plutôt du Salon de l’Ostinato eu égard à la qualité des propositions.
Pas de leader au sens tous derrière et moi devant mais plutôt un ensemble horizontal avec des mots-clés : écouter-s’écouter-compléter-ajouter-rompre-opposer, bref un genre de dissensus consensuel mâtiné de consensus dissensuel. Il y a chez les deux instruments à cordes comme un choix de contenir leur propos dans une tessiture étroite qui oblige à de l’agilité pour faire sonner peu-de-notes-peu-de-sons comme s’ils étaient multitude.
Et puis, il s’agit d’en finir. Il faut toujours en finir. On ne peut éviter d’en finir.
Tout le monde a raconté ce qu’il avait envie de dire ? Oui ? Vraiment ? Une fois ? Deux ?
Eh bien non. Il y a comme une idée qui émerge, une qu’on avait pas entendue avec sa toute petite voix. Pas question de l’ignorer, elle s’impose. Le piano hésite à se faire clavecin, les cymbales scient l’air, la basse contrepointe.
La seconde précédente, ils semblaient avoir ouvert un chapitre de 600 pages, la seconde suivante, tout est dit.
Ils en reviennent à l’atmosphère.
Atmosphère ? Atmosphère ? Est-ce que j’ai une gu..... ?
Oui.

Mercredi 15 mars 2017 - Programme "Autour d’un quart"
Atelier du Plateau
Impasse du Plateau
Paris 19è