Jazz de chambre en Kimono

Roberto Negro, Christophe Monniot, Stéphane Decolly, Adrien Chennebault.
© Thierry Giard - 2017

Nous avons beau être prévenus par les antécédents des musiciens, la prestation du quartet Kimono ne laisse pas indifférent. Associer ainsi musique contemporaine et jazz moderne est une tentation partagée par d’autres qu’eux mais si l’on ajoute le passage par le Tricollectif (bien connu dans ces colonnes), un zeste de haïku japonais confirmé par le pianiste (et non pas comme le Jean-Claude Brialy des Cousins qui sous couvert de déclamer du Goethe devant ses invités enfile les seules bribes de langue allemande qu’il connaît : là aussi confirmé par Claude Chabrol)…

Roberto Negro
© Thierry Giard - 2017

Cela donne très sérieusement deux sonates : l’une "pour une nouvelle terre" et l’autre " pour un monoski" !!! Le sérieux des musiciens sans l’esprit de sérieux est une autre manière de percevoir cette formation. C’est Kimono, soit le trio de Roberto Negro + Christophe Monniot.
La rigueur est en effet aussi bien du côté des compositions que de leur interprétation et nul ne songerait à s’étonner que le concert entendu l’autre soir sur scène ressemble en tous points à l’enregistrement du CD tout frais sorti. L’imagination quant à elle se situe dans le constant renvoi que ces deux modèles ou sources d’inspiration effectuent. Il y a du "jeu" entre les deux -pourrait-on dire- dans tous les sens du terme ; au sens presque ludique mais aussi dans le décalage que ce renvoi produit. "Musique de chambre avec basse électrique" : tout est dit. À moins d’ajouter "sonate classique avec quartet de jazz.". Les deux écritures se télescopent au sein d’un même ensemble et l’on peut craindre l’accident.

Christophe Monniot
© Thierry Giard - 2017

Piano classique contre rythmique percussive : ou bien les deux en s’opposant s’annulent et nous condamnent au surplace ou bien ils se renvoient la balle… et placé sur rail, le jazz avance. Dans cette course entre le piano et les percussions (pas moins de dix micros ceinturaient la batterie lors du concert), il n’y a pas d’erreur d’aiguillage possible, le quartet est sous contrôle, celui qu’exerce le saxophoniste Christophe Monniot et sa mystérieuse boîte (Novation Keystation ?) qui trace la voie, le tempo… bref qui oriente et qui aiguille autant qu’elle aiguillonne.
Avec énergie et doigté à la fois. Il faut entendre le dernier mouvement de la "Sonate pour une nouvelle terre labourant sans mauvais jeu de mots son sillon avec une ardeur quasi répétitive et se concluant par un simple accord posé en tout en délicatesse au piano.
S’il y a certes une communauté d’idées musicales dans les deux compositions ; la première de Ch. Monniot s’arc-boute davantage sur le jazz, là où celle du pianiste s’inscrit plus naturellement dans une écriture contemporaine. Question de dosage, peut-être.
Ce mélange des genres n’est certes pas inédit tant les deux écritures souvent se côtoient mais les deux musiciens-compositeurs semblent les pousser à leur extrémité.
Le parcours, il est vrai, des protagonistes est tout sauf de tout repos. Plutôt aventureux même ou plus exactement de toutes les aventures...

Adrien Chennebault (Kimono)
© Thierry Giard - 2017

On trouve pêle-mêle aux côtés du pianiste zélé et facétieux Roberto Negro (l’homme du trio du même nom) la chanteuse Élise Caron, le saxophoniste Émile Parisien, le violoniste Théo Ceccaldi... Parmi les compagnons de route du saxophoniste Christophe Monniot, on rencontre le batteur Denis Charolles, le guitariste Manu Codja, le fondateur de Tous Dehors (Laurent Dehors). Le batteur Adrien Chennebault n’est pas en reste, formé à la batterie par Franck Agulhon, à l’improvisation par Joëlle Léandre et membre du trio de… Roberto Negro. Enfin, le bassiste Stéphane Decolly joue avec Thomas de Pourquery, le Sacre du Tympan (mais aussi les normands de Now Freeture et Japanese War Tubas - NDR)…
En bref, comme on peut le voir, des énergies nouvelles et renouvelables à revendre !

Kimono
© Thierry Giard - 2017

KIMONO
Conservatoire de Caen
mardi 7 mars 2017 - 20h


Le disque :

KIMONO : "Musique de chambre avec basse électrique"



> Ô Jazz - 004 / Socadisc

Christophe Monniot : saxophone alto, sopranino, Novation Keystation, composition (1, 2, 3) / Roberto Negro : piano, Novation Bass Station, composition (4, 5, 6, 7) / Stéphane Decolly : basse électrique / Adrien Chennebault : batterie, percussions.

01. Sonate pour une nouvelle terre. Partie 1 / 02. Sonate pour une nouvelle terre. Partie 2 / 03. Sonate pour une nouvelle terre. Partie 3 / 04. Sonate pour un monoski. Partie 1 / 05. Sonate pour un monoski. Partie 2 / 06. Sonate pour un monoski. Partie 3 / 07. Sonate pour un monoski. Partie 4 // Enregistré les 20, 21 et 22 décembre 2016 au Studio SEXTAN, à Malakoff.