et la Symphonie déjouée

JAZZDOR présente ce soir, loin de sa base tout là-bas du côté de Strasbourg, le disque tout frais tout chaud du Bernard STRUBER JAZZTET : Symphonie déjouée.
Avec : Bernard STRUBER : guitare et direction, Michael ALIZON sax ténor, Jean-Charles RICHARD sax baryton et soprano, Raymond HALBEISEN, clarinette et flûte, Serge HAESSLER, cor, trompette et bugle, Frédéric NOREL violon, Benjamin MOUSSAY piano, Bruno CHEVILLON contrebasse, François MERVILLE batterie et Nathalie GAUDEFROY, voix.

Autant dire une fine équipe du genre que rien n’arrête (comme disait la sardine).
Un motif répétitif pour se mettre en route, le truc qui sent l’hypnose douce, la transe furtive, la détente du string. Tu te laisses aller à un certain confort et, bam !! juste avant de te souvenir que le confort est un piège, Merville te réveille d’une frappe chirurgicale. Oui, il y a du Zappa dans l’air : l’incertain est certain, l’intranquillité totale.
Alors, Jean-Charles Richard se lance dans un périlleux solo seul au baryton, en souffle continu s’il vous plaît, véloce et bluffant. Avant d’être rejoint pas le trio batterie-violon-guitare. Haessler prend la suite au bugle en quartet avec piano-basse-batterie. On se croirait dans « un soir au club ».
Et quand il s’y mettent tous, y’a du Glass dans le truc, revisité Music for 10 musicians.
On alterne les plaisirs : groupe-solo-mini-groupe-solo-groupe.
Moussay prend la suite. Solo seul aussi, pardon, GROSSOLO : un ostinato pépère qui attrape un virus hyperactif en cours de route et qui ignore la ritaline.
Et quand tout cet aspect jazzy s’éloigne, on transite par des genres de passerelles apparemment paisibles, sauf que se coltiner chacun son tour quasi note à note le thème en cours, amis risquophiles bonjour. L’architecture rythmique en biais, en travers et à l’envers, c’est en même temps.
Alizon se fend d’un solo enjoué et varié au ténor, lui aussi nous sort du confort piègeux et Merville lui fait écho, complète ses idées, relance, là tu te dis comment ils font pour dialoguer dans cette instantanéité ?
Puis Gaudefroy, aérienne sur le moelleux tapis sonore du band ( pure laine, longs brins épais, repousse garantie durable ) nous fait dresser les poils des bras. Tous. Quelle voix !! On ne comprend rien à ce qu’elle dit ( de l’ukrainien, c’est loin ) mais c’est si beau.
Le violon nous fera entendre d’harmonieuses variations mélodiques à rendre Ligeti furieux. Là encore Merville tient la baraque pendant que les autres se dépatouillent des bouts de phrases à coller ici et là, dans un désordre ordonné. On comprend mieux pourquoi il trône en première ligne, cible de tous les regards d’où viennent les annonces de tempi.
Puis la flûte soloïse et enfin Struber, l’homme si discret qu’on pourrait se demander s’il a joué quelque chose ce soir.
Alors, comme un retour au début, une énergie ronflante s’empare du dixtet zapatesque et Chevillon nous scotche avec un énorme solo qui joue et se joue de l’acoustique amplifiée et de l’acoustique augmentée avec une maitrise déconcertante.
Of course, on les rappelle et nous aurons le plaisir de réentendre le poème chanté.
Grand plaisir.

Jeudi 5 octobre 2017
Studio de l’Ermitage
8, rue de l’Ermitage
75020 Paris