Thelonious Monk était à l’honneur lors de la soirée du 4 octobre 2017 à La Dynamo de Banlieues Bleues (Pantin). Au programme, Alexander Von Schlippenbach en piano solo puis le trio "Monk 100" (Robin Verheyen, Bram de Looze et Joey Baron).
> La Dynamo de Banlieues Bleues - Pantin (93) - 4 octobre 2017.
Par ces temps troubles où l’on croit trouver refuge dans ce que l’on connaît ou croit connaître, retourner à l’essentiel, s’y ressourcer c’est aussi trouver un nouvel élan ou mieux encore d’autres voies. Ainsi du Moine Bleu astre-sphère du jazz dont on fête en ce mois d’octobre le centième anniversaire de la naissance et dont les compositions sont insensibles à l’usure du temps, à l’instrumentation, aux styles, aux générations. On ne sait d’ailleurs s’il préférait le piano à la musique ou la musique au piano à l’instar d’un Debussy autre faux iconoclaste dont on fêtera l’année prochaine le centième anniversaire de la mort. Ce tempo historique n’est pas pour nous fortuit, ces musiciens nous fascinent, aussi votre serviteur ne manque-t-il pas d’aller écouter les acteurs qui creusent et regardent par delà les portes entrouvertes.
Notons d’abord que le Grand Prêtre du Bop a toujours intrigué les artistes de la Chose Nouvelle qui doivent y trouver là l’autodérision, le modèle et l’esprit nécessaires à leurs envolées. Nous ne pouvions donc manquer le trop rare pianiste de free jazz allemand Alexander Von Schlippenbach auteur d’un triple album Monk’s Casino. Ecclésiastique de renom de la musique improvisée d’Outre-Rhin, le pianiste nous a offert ici un concert de grande tenue, un solo d’une heure environ. Nous avons en particulier goûté la qualité de son touché, une sonorité jamais agressive toute en franchise et rondeur. Alexander parvient à exprimer dans un ambitus de nuances très restreint (en gros mezzo forte, tempo médium) et une lecture stricte des compositions du mythique jazzman, un monde de sensibilité pour qui ne veut surtout pas céder à la sensiblerie. Le pianiste outre une connaissance parfaite du texte comme on jouerait du Bach, sait dans son jeu garder toute une part de mystère faisant émerger petit à petit les titres qui, dans le choc de leur découverte, se sont inscrits de manière indélébile dans notre fort intérieur. Il sait aussi ne pas finir stoppant de façon brusque une improvisation, ayant l’élégance de laisser notre imagination finir le travail, un jeu du chat et de la souris avec notre mémoire. Aucun effet superfétatoire, la fluidité technique du pianiste de 80 ans n’est que celle de son esprit, c’est le fruit d’un travail d’exception sur les idées, d’une réflexion, d’une maturation et d’une appropriation. Un concert en évidence.
On sait que le mythique musicien aimait New York, que la Big Apple était propice à son âme, on l’imagine couvre-chef sur le crâne arpentant les rues, saluant, grommelant suivant son humeur, ou tout simplement marchant vers un ailleurs, au rythme de sa danse si particulière, who knows à la recherche des ombres de James P. Johnson ou Fats Waller, traduction de la rencontre d’une ville et d’un homme... Et qui d’autre mieux que Joey Baron pour exprimer ce swing indéfinissable ? Il n’y a que le regarder se mouvoir pour comprendre. Son arrivée sur scène, sa tenue vestimentaire, les mots ici n’existent pas et le Monk’s Mood que nous avons entendu interprété par le trio réunissant outre Joey deux jeunes excellents musiciens belges Robin Verheyen aux saxophones et Bram de Looze au piano fut pour nous l’expression de ce liant. Les compositions personnelles et les reprises se succédant, chacun y est allé de son solo, un Wee See au soprano de Robin, souvenir des solitudes de Steve Lacy et toujours Joey Baron mains nues sur les peaux, les cymbales, moment dont nous avons apprécié l’esthétique gestuelle et la beauté du son. La formule ici sans basse pourrait surprendre mais rappelons nous les trios de Paul Motian autre grand admirateur du génial pianiste. Ainsi outre le fait que les jeunes belges sont très prometteurs, Joey Baron aura été pour nous l’élément indispensable de cette seconde partie.
Trinkle trinkle, Ruby my dear, Bye-ya, l’ombre du grand prophète a plané sur cette soirée, le temps des hommages est venu, celui des exubérances, des piles de cds, sa musique elle continuera de vivre, inaltérable, tous les jours la fête.
La Dynamo de Banlieues Bleues - Pantin, 93.
Mercredi 4 Octobre 2017.
1ère partie : Alexander Von Schlippenbach plays Monk : Alexander Von Schlippenbach : piano
2è partie : Robin Verheyen : saxophones / Bram de Looze : piano / Joey Baron : batterie : "Monk 100"