On n’arrête pas le progrès

IXI électrIque : Guillaume ROY alto, Atushi SAKAÏ violoncelle, Régis HUBY et Théo CECCALDI violon.

Malgré Fukushima ( qui s’en souvient puisque tout va bien ? ), malgré le couvercle pourri de l’EPR ( qui devra être changé dans sept ans-juste le temps d’en fabriquer un nouveau... ), IXI la joue branché. Branché à l’électricité nucléaire !!!
Devant chacun, un semblant de rond de sorcières constitué de pédales d’effets ; au milieu une tresse de câbles électriques. Du dénuement de l’acoustique au bazar de l’électrique, de la musique manuelle à la musique pédestre : oui, on pilote ses pédales avec ses pieds.
En voiture Simone !!!

Avec IXI électrique 1 et 2 ( compos de ROY ), on les imagine avant de les voir : un éparpillement de sons, de frottis, de coups, de silences, d’échos, un long chemin depuis là-bas et une pause : un caravansérail ? Une aire d’autoroute ? Huby et Ceccaldi s’empoignent, discussion d’hommes, négo ferme et déterminée, personne ne lâche, du costaud. Puis ils se quittent, s’éloignent, sons, frottis, coups, échos, silences. Si on ne les voyait pas s’affairer des pieds, on pourrait croire qu’ils jouent acoustique. Encore et toujours ce talent à brouiller l’écoute.
Avec Atsuchi Sakaï Électrique ( by Sakaï ), on assiste à un usage malin de ces objets : fermer-ouvrir ( d’un coup de pied ) devient un clac-clac collectif inclus dans l’œuvre. Son qui dure, stop, son qui dure, stop. Les machines sont sous contrôle, ces hommes décident de leur utilisation, ils jouent avec elles (et pas le contraire) : ça rassure quand on entend ici et là les Dévôts du Numérique nous promettre une vie algorithmique. Et c’est beau, putain, vachement beau. Ça sonne épatant. Ne pas croire que l’électricité fait tout. Ce quatuor a un petit quelque chose d’inimitable, une qualité émergente que nulle machine n’imitera jamais, qui tient dans le tissu des relations musicales qu’ils nouent et qui dépasse largement les effets des pédales. Un son, une ambiance : IXI‘s Sound.
On entend des bouts de Glass ou Reich dans Atsuchi Afrique ( ?? à fric ?? ) et aussi séparés soient-ils par leurs parties à jouer, ils semblent toujours liés. Sakaï a dû se marrer à écrire cette pièce à la mise en place nanométrique.
Le clin d’œil Chostakovitch- Moscou à Buenos Aires ( by Roy ) laisse pantois : ces mecs sont des conspirateurs, ils respirent ensemble et à l’heure de la mort des partis, eux aussi procèdent par mouvements, ce qui oblige à écouter du dedans-et-en-même-temps-du dehors. Existe-t-il une musique qu’on n’aurait pas plaisir à écouter jouée par eux ?
Strates ( by Huby ) clôt le concert. Là aussi, on oublie ce fatras techno-technique pour se laisser emporter par la beauté. La Beauté. Strates aux sphères ?
On les rappelle : pas question de laisser Ceccaldi s’en tirer sans sa compocontribution. « Toutes les pédales à fond  » annonce Roy, ça sent la grimpée de l’Alpe d’Huez. Ben non, Ceccaldi égrène une tendre musiquette à chantonner, sur son violon transformé en boîte à musique. Illusion de l’électronique.
Le Triton, as usual, en invitant IXI Électrique, use du verbe le plus important des 12000 verbes de la langue française : « OSER ».
Ohé, les programmateurs, osez oser !!

Jeudi 23 novembre 2017
Le Triton
11bis rue du Coq Français
93260 Les Lilas


" Quatuor IXI Electric " de Guillaume Roy, Régis Huby, Théo Ceccaldi et Atsushi Sakaï (Diffusion intégrale et portrait) - Émission d’Anne Montaron sur France Musique - Création enregistrée le 05 octobre 2017 à Radio France et diffusée le 21 octobre.