L’art de l’improvisation.

Lenny Popkin n’est sans doute pas le saxophoniste le plus médiatique de la planète (mais on sait que les médias ne visent pas toujours juste, loin de là). Cependant, Lenny Popkin (né à New-York en 1941) est un de ces musiciens dont la place est plus importante qu’il n’y paraît : il n’a pas vraiment son pareil. Il est donc tout à fait recommandable !

Gilles Naturel, Lenny Popkin, Carol Tristano.
Image souvenir de mars 2007... Photo © Christian Ducasse

L’homme est discret, posé, un peu lunaire avec sa chevelure blanche vaporeuse. Dès qu’il joue, la musique parle pour lui : phrasé aérien, velouté. Les phrases de saxophone s’élèvent en volutes au dessus d’un thème énoncé mais qui souvent s’évapore sans vraiment revenir. Ainsi, Me and You, What is this thing called love, Body and soul sont plus que jamais des prétextes à l’improvisation. La musique vit pour elle-même. A ce jeu-là, autant disposer de partenaires solides et fiables. Gilles Naturel est un contrebassiste polyvalent, capable de donner le change à bien des jazzmen : une qualité précieuse. Compagnon fidèle du pianiste Alain Jean-Marie et de bien d’autres, il joue également dans le Ted Curson Ensemble (un double album vient de paraître sur le label Blue Marge). Sa complicité avec Lenny Popkin prouve que cette musique lui parle et qu’il sait la faire vibrer. Troisième élément de ce triangle, la base stable qu’assure Carol Tristano. Souvent aux balais elle a en charge un découpage du temps quasi-immuable, voire métronomique. La rigueur de cette musique vient de la régularité du tempo. C’est souvent déroutant mais spécifique à cet univers particulier.

Gilles Naturel et Lenny Popkin
A Granville. Photo © Jean Derou

Le public avait pris la mesure de l’évènement, bien aidé en cela par le travail efficace d’information (Christian Ducasse, ici organisateur, est redoutable à ce jeu-là et ça marche !). Le (petit) Théâtre de la Presqu’île affichait complet pour chacun des sets. Un premier, plus cool, en suspension, presque "exotique" disait un ami, suggérant ainsi l’originalité de la démarche de Lenny Popkin. Un second set plus vif, des chorus plus chauds et somme toute, l’impression de moins d’intensité que dans l’atmosphère du premier set. Une superbe soirée dense et intense et une belle découverte pour beaucoup... On dit que le boeuf qui suivit le concert puis le boeuf qui suivit le boeuf furent mémorables : c’est aussi la magie du jazz !

Cette soirée a confirmé que le travail entrepris pour implanter le jazz à Granville porte ses fruits, faisant de la "Monaco du Nord", un des pôles de la Manche (sinon LE pôle) où le jazz vit de manière authentique. Ce n’était pourtant pas gagné d’avance ! Bravo !


> A écouter :

  • Lenny Popkin / Eddie Gomez / Carol Tristano : "New York Moment" : Paris Jazz Corner 982 941-9 dist. Universal - enregistré en 2004

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