Le tromboniste Daniel Zimmermann était l’invité de l’Hexagone, Scène Nationale de Meylan (Isère), le 14 décembre 2017 avec (presque) le quartet qui s’est illustré dans le disque "Montagnes russes" fin 2016.
> Hexagone Scène Nationale de Meylan (Isère) le 14 décembre 2017.
Daniel Zimmermann : trombone
Pierre Durand : guitare
Mathias Allamane : basse
Julien Charlet : batterie
Ce soir de grande douceur pour un début d’hiver alpin (sans conséquence dommageable pour la neige un peu plus haut), Daniel Zimmermann nous conviait à écouter son quartet, de retour de tournée au Maroc, pour un programme consacré majoritairement à son dernier album « Montagnes russes » (Chronique F. Ducommun - oct 2016). Le concept des montagnes russes vient des courses de luge organisées sur des collines enneigées, aux environs de St-Petersbourg, avant de se généraliser aux manèges de foires constitués de voies ferrées aux pentes vertigineuses pour de folles envolées montantes et descendantes en toute sécurité (en général). Le rapport avec le trombone ? La glisse pardi : cet instrument nécessite de la part du musicien une parfaite maîtrise du glissement de la coulisse sous peine de finir dans le décor. Face à ce risque, la présence d’un Charlet (Julien) en background est de nature à nous rassurer : ce patronyme est celui d’un réputé fabricant de piolets et autres crampons destinés a contrario à empêcher toute glissade sur des pentes abruptes et fuyantes. Au total, un subtil alliage de glisse et d’accroche.
Toujours en prise avec les montagnes environnantes quoique dissimulées à cette heure tardive, on notera que les initiales du leader (DZ) désignent aussi une plateforme pour hélicoptères, engins fort utiles dans le cas ou la glisse l’a hélas emporté sur l’accroche. Nous voilà donc bien sécurisés et tout ouïe pour ce concert.
Ajoutons au cocktail un guitariste et un bassiste qui rivalisent aussi bien en qualités musicales qu’en luisance de leurs crânes et nous réalisons que les montagnes russes peuvent aussi se décliner en glissades assurées le long de manches d’instruments à cordes comme de piolets, en sans prise de tête si vous me permettez l’expression... Fin des métaphores montagnardes ? Non.
Le quartet ne joue que des compositions originales du leader : tant mieux. Cela commence par « Autant au temps » où la guitare explore des nappes rêveuses ; on ne peut s’empêcher de penser à une parenté avec le style de Bill Frisell (qui vient d’autres montagnes dites rocheuses). Puis les éléphants censés avoir traversé les Alpes avec Hannibal arrivent au galop avec « Flying pachydermes ». Ne peut-on pas trouver quelque ressemblance entre le barrissement et le son du trombone ? Écoutez par ailleurs « Elephant Talk » de King Crimson (album « Discipline »)…
Le tempo lourd et obsédant installe une tension qui monte avec « Dans le mur de la vie » qui s’inspire de dramatiques événements au Rwanda. Retour à une ambiance paisible dans « Ma Demoiselle » dédiée aux charmants enfants (le lendemain de leur naissance, après ça se corse). Un style plus funky nous invite à nous prendre en charge : « Aide-toi ». Le leader nous précise que Pierre Durand est « infiltré » ce soir comme Lance Armstrong dans les lacets de L’Alpe d’Huez en son temps, ce qui ne l’empêche pas d’assurer magnifiquement son rôle de sideman inspiré. Et toujours la montagne, décidément avec « Mountain Girl » inspiré par le film des frères Cohen « Lady Killers » où apparaît une Heidi géante, paraît-il. Tant qu’à faire, on peut aussi penser à la parenté entre le trombone et le cor des Alpes quoique ce dernier soit peu enclin à proposer des tempos rapides et quelque peu encombrant.
Tout cela est fort plaisant, varié, accessible, et on en vient doucement au rappel. Un rappel, en montagne, est un bon moyen d’échapper à une descente trop scabreuse en désescalade, ce qui peut s’apparenter à l’attitude du musicien qui a donné ce qu’il pouvait proposer et invite le public à rallier la sortie pour quelque boisson ou achat de disque… ce qui signifie que la tâche du musicien n’est pas achevée, le jazzman n’ayant pas à son service une cohorte de vendeurs patentés. Quel métier ! Au final, nous aurons droit à deux rappels, tant qu’à faire, et c’est logique avec deux instruments à cordes dans ce groupe. Pour finir en Afrique avec « Taxi Noche en Yaoundé ». Comme disait Alain Bashung : « Yaoundé qu’est pipé », mais rien d’acerbe dans cette citation ; une belle satisfaction d’ensemble pour ce concert à résumer une seule phrase : la musique de Daniel Zimmermann est trop bonne pour être jouée en coulisse.
Pour mémoire, le disque :
Daniel ZIMMERMANN : "Montagnes russes"
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