Les Rugissants, Richard Galliano en solo puis le Large Ensemble de Régis Huby étaient au programme de la "Biennale de Jazz" du Centre des Bords de Marne au Perreux-sur-Marne le 16 mars.
Le petit théâtre du Centre Des Bords De Marne est plein, il est 19h et les Rugissants ouvrent la seconde biennale de Jazz. Comme d’hab, le tentet se distribue en un gros pupitre de souffleurs : Théo PHILIPPE sax alto, Thibaud MERLE, sax ténor et flûte, Rémi SCRIBE sax ténor et soprano, Corentin GINIAUX, clar basse et sax soprano, Léo JEANNET trompette, Léo PELLET trombone, Raphael HERLEM sax baryton,
en fond de scène, la paire Alexandre PERROT à la contrebasse et Jean-Baptiste PALIÈS à la batterie, à peine sur le côté gauche pour droner tout ce petit monde : Grégoire LETOUVET, piano, compos et arrangements.
Comme d’hab encore, les arrangements font péter le feu à ces souffleurs généreux. Chacun son tour trouvera l’opportunité d’un solo, poussé aux reins par les riffs, nappes et autres stimulations. La chanteuse Ellinoa les rejoindra pour quelques pièces millimétrées, le band tentera un cousinage avec le rap pendant que deux diseurs narreront sans toutefois se laisser aller à un flow subversif.
Éclectisme ( de la musique orphique au rap en passant par Léo Férré, faut oser ), solidité du groupe, mise en place épatante, la mise en bouche est réussie.
Tout le monde cavale vers le buffet, on se croirait au Club Méd’ section grand âge.
Dans le Grand Théâtre, il faut bien cela pour l’accueillir : Richard GALLIANO solo. LE Galliano himself.
S’il existe un instrument qui colonise l’imaginaire populaire, c’est bien l’accordéon dit aussi piano à bretelles ou boîte à punaises. Et c’est pas difficile, Galliano, dès qu’il pose les doigts sur les boutons de sa machine, la messe est dite. Plus mélodieux, plus harmonique, on ne fait pas. Autant dire que le public peut se laisser aller, se vautrer même, dans un confort auditif total. Va pas chercher un mode exotique du genre clitoridien ou thyroïdien. Quand il envoie Fou-rire, cette valse au tempo extravagant avec sa descente de blanches à la main gauche, c’est carrément énervant limite écœurant tant il joue facile. À dégoûter les accordéonistes débutants qui peinent à ne pas regarder où ils posent leurs doigts. Ce mec doit avoir autant de cerveaux que de doigts avec un hub central pour métagérer les connexions. Il enchaîne au feeling, pas de programme ce soir, au pif, à l’instinct. Une créature réclame La danse du sabre. Au secours !!! La danse du sabre, pourquoi pas La Valse des Patineurs ?
On croisera l’immense Magali Noël, Nougaro bien sûr, Moraes de Vinicius, pas les pires des références. Même si son accordéon n’a plus rien à voir avec le piano du pauvre tant les ajouts électroniques en font un monstre de possibilités, il reste d’abord et avant tout une boîte à frissons. Nostalgie, mélancolie, sourires, on fait le plein d’émotions. Il jouera Indifférence accompagné par le paganini des maracas. Sans oublier La javanaise au premier rappel. Pour conclure avec la Valse à Margaux.
Rien que du très bon.
Pour clore cette première soirée de la Biennale, Régis HUBY présente The Ellipse, music for large ensemble. Avec de costauds compagnons de route, un pack de quinze :
Régis HUBY violon, composition, Guillaume ROY violon alto, Atsushi SAKAÏ violoncelle, Matthias MAHLER trombone, Pierre-François ROUSSILLON clarinette basse, Catherine DELAUNAY clarinette, Jean-Marc LARCHÉ sax soprano, Joce MIENNIEL flûte, Illya AMAR marimba et vibraphone, Bruno ANGELINI piano et claviers, Pierrick HARDY guitare acoustique, Guillaume SÉGURON et Claude TCHAMITCHIAN contrebasse, Michele RABBIA percussions et électronique, Marc DUCRET guitare électrique sans oublier Sylvain THÉVENARD ingénieur du son.
Rien de plus réjouissant qu’écouter deux soirs de suite [1] la même œuvre, histoire de sortir de la première impression forcément incomplète, partielle, embuée. Et bien non, pas de découverte époustouflante, pas d’oubli abyssal. Mais la confirmation bienvenue d’une intense conversation où alternent la totalité et le fragment, le quinztet avec le duo, le trio ou plus. Est-ce une impression ? Les conversations en petits groupes se déploient plus qu’hier : le duo flûte-piano, les IXIens Huby-Roy-Sakaï complétés par les contrebasses, la guitare électrique qui déchire, le sax soprano et la clarinette sib, la guitare acoustique et le marimba. Ils prennent plus de temps, le temps de se dire tout. Rabbia se glisse dans les interstices, y fait frissonner un son ténu, échoïse une clameur, habite un calme, si discret qu’on doit tendre les deux oreilles pour percevoir ses ajouts élégants.
Après le tsunami mélodique de Galliano, il y a un peu de perte en lignes, quelques spectateurs désertent. C’est sûr, l’inconfort harmonique, le brassage rythmique, la moindre lisibilité de ce qui se joue, c’est comme des miettes dans les draps, ça pique le cul, ça gratte, ça dérange.
Dé-ranger, dé-border, dé-router, dé-jouer.
C’est le cadeau que nous offre The Ellipse, suite en trois mouvements pour nous sortir de nos routines auditives et musicales.
Merci les mecs et la mequesse.
Vendredi 16 mars 2018
Centre Des Bords de Marne
94170 Le Perreux sur Marne
[1] Compte-rendu du concert de Bagneux le 15 mars à lire ici... - sur CultureJazz.fr