Une musique qui ignore les frontières

Eve Risser
Eve Risser

Eve RISSER qui dispose d’une carte blanche en 2018 à l’Atelier du Plateau, propose en première mondiale sa dernière création : le EVE RISSER ENSEMBLE ENSEMBLE.
Elle-même au piano préparé, Mari KVIEN-BRUNWOLL voix et électronique, Georges DIMITRIU violon et alto, Kim MYHR guitare et effets, Toma GOUBAND percussions. Autant dire un méli-mélo par dessus les frontières qui est un pied de nez aux ceuzes qui haïssent l’étranger, l’autre, eux-mêmes. Donc concert de musique no border.
Le piano à gauche, les percus au fond, la guitare à droite et au milieu, la vocaliste et le violoniste, tous dans un espace resserré que T.E. Hall nommerait zone d’intimité.
Un son à l’alto, ténu, tenu, au piano des sons percussifs sans écho, mats. Une invitation à la détente dans une induction lente, se laisser aller, ne pas chercher à tout saisir dans une pleine conscience saturée, dépassée, se mirant elle-même ah je ris de me voir ah ah ah en ce miroir. Puis la voix-mélopée, une nounou qui berce. Réconfort, endormissement. L’alto se fait éolienne qui couine, le vent chaud, la poussière soulevée d’Il était une fois dans l’Ouest.
Oui, cette musique convoque des images, des réminiscences. Impossible de nommer ceci ou cela dans cet incessant flot flou insaisissable. Chaque impression est tout de suite obsolète, chassée par une autre stimulation fugitive aussi. On se trouve observateur de son propre écran qui réagit à la bande-son d’un son unique traité dans ces mille composantes en un mouvement spiralé. Le batteur fouette-caresse ses peaux avec une poignée de feuillages empruntés à des arbres résignés. Le tout est grave planant. Back to the sixties ?
Une seconde pièce ni muzak ni music for airport. Une pulse tenace et des constructions douces alentour, aucune exubérance, pas de folles cavalcades. Un son à variations multiples. On se croirait chez des bruitistes mais non. On se croirait chez des répétitifs mais non. La voix encore, sans intermédiaire, pour une ballade. La spirale volute encore et encore. Inviter des derviches tourneurs ?
Le violon introduit la suite de jolie manière : un son tiré + des pizzicati, on pense place du village, danse populaire. Le batteur qui a dû dévaliser une carrière, use de pierres sonores et la joue minérale. Le violon ne lâche rien pendant qu’il se passe tout plein de choses étranges autour de lui. Ça grouille d’idées, ça fourmille de trouvailles. Le batteur végétalise à nouveau, la vocaliste utilise une machine en forme de clavier pour doigts boudinés, étrange tout ça, très étrange. Tel le colibri, chacun contribue à l’ensemble et c’est beau. Une dernière pièce qui tient de la comptine, de la complainte et finalement des lamentations nostalgiques, clôt ce voyage sonore créé in situ.
Grand plaisir.

Vendredi 2 juin 2018
Atelier du Plateau
75019 Paris


L’Atelier du Plateau