À Clermont-Ferrand, le festival Jazz en Tête a ouvert sa 31è édition avec deux formations triangulaires : le Twio de Walter Smith III et le Yes ! Trio "drivé" par le batteur Ali Jackson...
> mardi 23 octobre 2018 - Opéra-Théâtre de Clermont-Ferrand.
Pour la 31è édition de son festival automnal, l’association clermontoise "Jazz en Tête" reste fidèle à une l’esthétique du jazz post-bop avec une dominante américaine marquée. La première soirée proposait successivement deux trios qui mettent en avant les prestations de solistes brillants dans un cadre rythmique structuré avec souplesse. On ira chercher l’avant-garde ailleurs mais on ne boudera pas notre plaisir d’écouter du "jazz-jazz" dans le cadre un peu anachronique mais très confortable du bel Opéra-Théâtre de Clermont-Ferrand où le festival se réinstallait cette année comme il le fit à ses débuts.
Deux trios au programme de cette soirée. D’abord le très remarqué Twio dirigé par le saxophoniste Walter Smith III remodelé aux deux tiers avec la présence sur scène ce soir-là du contrebassiste Joe Sanders et du batteur Gregory Hutchinson. Ensuite, le Yes ! Trio, entité initiée par le batteur Ali Jackson avec le pianiste Aaron Goldberg et le contrebassiste Omer Avital.
Points communs ces deux formations : une paire rythmique très charpentée avec, à chaque fois, un contrebassiste et un batteur qui épousent leur instrument et animent leur prestation scénique d’une présence lumineuse. De solides solistes qui savent se fondre dans le collectif avec intelligence.
Avec Twio, Walter Smith III développe plus un concept qu’un trio à proprement parler. Dans le disque éponyme paru en février 2018 (Whirlwind Recordings), il faisait équipe avec Eric Harland (batterie) en jouant l’alternance avec les contrebassistes Harish Raghavan et Christian McBride (contrebasse), invitant son collègue saxophoniste Joshua Redman sur trois plages. Cette volonté de renouveler l’équipe comme le choix d’un répertoire de "standards" et de compositions devenues emblématiques du jazz de la dernière moitié du siècle dernier ont pu faire penser aux trios célèbres de Sonny Rollins mais Walter Smith III n’est pas le Saxophone Colossus, plutôt un gentleman généreux qui a le sens du partage et qui tient son rôle avec une autorité bienveillante. Une attitude qui ouvre des espaces pour le jeu collectif et les escapades solistes sur un répertoire assez large où l’on écoute entre autres Prelude to a Kiss, Body and Soul ou Lonely Woman parées de couleurs et de nuances nouvelles grâce à Joe Sanders, contrebassiste fredonnant qui fait danser sa contrebasse et Gregory Hutchinson, batteur un rien fantasque qui sait surprendre par une approche imaginative du tempo. Une bien belle entrée en matière pour ce festival autour d’un saxophoniste qu’il faut suivre de près (par exemple sur deux beaux disque récents avec Matthew Stevens et Bill Stewart en cet automne 2018 !Lire ici...).
Avec le Yes ! Trio, on retrouve un instrument harmonique avec le piano du très érudit Aaron Goldberg, musicien qui n’est pas avare de notes pour laisser parler sa virtuosité en sachant capter l’attention (éblouie ?) des auditeurs. Il n’est cependant pas l’élément principal d’un trio qui reste en permanence très équilibré puisque ses deux complices sont aussi des leaders et des solistes qui ont une solide réputation et une large expérience. Au jeu près précis, concis et particulièrement efficace d’Ali Jackson répond le jeu de contrebasse très expressif et non dénué de fantaisie d’Omer Avital. Sur un programme qui reste très accroché aux fondamentaux du jazz qui chante et swingue, ces trois musiciens de haut niveau ont obtenu sans peine l’adhésion d’un public très demandeur de ce type de prestation où la musique déborde de ses cadres comme un champagne exubérant. Du jazz grand cru mais qui ne laissera peut-être pas un souvenir impérissable. Un bien beau moment dans tous les cas.