La foule est au rendez-vous, la foule des grands soirs et des petits matins : des vieux ( seniors, babyboomers ), des minots et des minottes collégiens en projet CHAM ( Classes à Horaires Aménagés Musique ) et entre les deux, ceux en âge de proliférer. Une prof pratique la pédagogie de la surprise en expliquant, cinq minutes avant le début, que « on est là pour écouter un concert, il s’agit d’un big band, donc beaucoup de musiciens. Écoutez, tentez d’identifier les instruments que vous connaissez. »

Le Big Band UMLAUT comprend : le taulier Pierre-Antoine Badaroux sax alto, Bastien Weeger , Geoffroy Gesser et Pierre Borel : sax et clar, Rémi Fox sax basse, baryton et alto, Brice Richard, Gabriel Levasseur et Louis Laurain, trompettes, Robinson Khoury et Michaël Ballue trombones, Bruno Ruder piano, Romain Vuillemin guitare et chant, Sébastien Bellah contrebasse et Antonin Gerbal batterie.

L’hommage à Don Redman et son œuvre va courir sur une trentaine d’années, autant dire que le big band fait dans l’itinérance pédagogique. Les morceaux de la première partie convoquent pêle-mêle Chicago, Scarface, la mafia (Brice Richard barbore un look Incorruptibles), le cinéma muet, l’esprit de la danse aussi. Ces rythmes enjoués sautillants, invitent à la marche rapide, au fox-trot. Les morceaux durent-ils si peu parce que les danseurs sont rapidement épuisés ? Ou parce que la capacité d’enregistrement en 78 tours est à ce point limitée ? Ce serait de la littérature, on parlerait de microfiction, de nouvelle brève à chute, de vignette, au pire de haïku bavard.... La mise en place exigeante et millimétrée fait courir la musique, les contrechants, les pêches, d’un pupitre à l’autre ; carrément chirurgicale donc et malheur à celui qui se serait fait remplacer par le vigile de la supérette : ça sauterait aux yeux des oreilles.
Donc mise en place, nuances, timbres, couleurs, variations de rythme : un régal acoustique sans conservateurs ni antioxydants. À la pause, une minotte dit à sa prof : «  on dirait que tous les morceaux sont les mêmes ». Bien vu. Il lui reste à affiner sa machine à écouter les différences qui font les différences.

La seconde partie nous emporte dans l’ère du swing voluptueux, chaloupé, langoureux : les hanches, le bassin, le hara qui rit. Finis les morceaux contraints à ne pas dépasser trois minutes, les solis contenus dans huit mesures et l’histoire finie à peine commencée. Les morceaux gagnent en durée, les chorus aussi, sans rien perdre de l’esprit de l’époque et de son patrimoine : on ne joue pas out, on ne fricote pas avec les dissonances, on ne se laisse pas aller à quelque débordement free. Le quartet piano-cb-g-dms continue son œuvre fondamentale : tenir les soubassements et les murs et le guitariste s’offre un joli succès avec son intrusion vocale dans un Tea for two brûlant et chevelé.
C’est déjà fini, qu’on se dit.
Alors, on les rappelle.


Jeudi 15 novembre 2018
Théâtre 71
3 Place du 11 Novembre
92240 Malakoff


http://www.theatre71.com/