Un jazz hybride et enjoué qui fricote avec la tradition et lui fait respirer l’air d’aujourd’hui.
Mercredi 19 février
Presqu’un an jour pour jour après le début du hirak, la révolution pacifique algérienne, le quintet Bahdja célèbre la sortie de son CD au Pan Piper : Kheireddine Mkachiche (Algérie) violon alto, Manuel Hermia (Belgique) sax soprano, bansuri, clarinette, Zinou Kendour (Algérie) clavier Korg, François Garny (Belgique) basse électrique et Franck Vaillant (France) à la batterie. Ils nous offrent l’image réjouissante d’un groupe qui allie musique traditionnelle populaire et jazz d’aujourd’hui, le duo alto-bansuri s’occupant de l’héritage, le claviériste fort des codes des deux cultures faisant office de go-between et les deux jazzeux.
Ils débutent avec Rencontre qui illustre le propos rassembleur : une fête de quartier ? Un pur moment de zone d’autonomie temporaire ? le 52è vendredi du hirak ? Le flûtiste et le violoniste rivalisent à qui mieux mieux pour alerter les passants : c’est ici, arrêtez-vous un instant, kipecoule et Kenza qui enchaîne pose le décor d’un moment paisible où les gens restent groupir. Le bansuri tient du ney ou du shakuhachi avec sa voix nasillarde qui ouvre des espaces de rêverie. Un groove sinueux escalade les colonnes vertébrales et invite à se bouger-mais qu’est-ce qu’on fait assis au fond de notre chaise ?-. Il flotte des réminiscences de festnoz dans cette musique d’assemblée intergénérationnelle soudée au coude à coude et avançant à pas menus, dans un faux air de sur-place. Les attaques du violon, son phrasé, les ornements qu’il pratique, instillent une grande familiarité auditive pleine d’escarbilles.
Avec Bahdja, c’est la clarinette en métal qui invite au voyage intérieur, invitation prolongée par le solo du violoniste. Une structure répétitive pulse derrière leurs arabesques. On n’entendra pas les youyous, mais le batteur si : dans un solo déjanté, implacable, ahurissant de maîtrise.
Ensuite ensuite, c’est juste la fête qui bat son plein : la température augmente, on entend des modes étranges ( pentatoniques ? dodécatoniques ? ), on se dandine sur des rythmes étranges, il y aura un temps pour le silence habité du désert (l’odeur du désert ) et un autre pour le silence émotionné et recueilli ( Nadrat Mahfoud). On imagine tout à fait cette musique hybride sonner et résonner les prochains vendredis de la seconde année du hirak avec des paroles cousines de notre « on est là ». Haut les coeurs !!
Pan Piper
2-4 Impasse Lamier, 75011 Paris