Un nouveau quatuor à cordes sur la scène jazz

Vendredi 6 mars 2020

Patienter avant l’entrée en scène du quatuor Les Enfants d’Icare amène à se demander qui occupe le même terrain du quatuor à cordes enjazzé. Pas du tout au hasard, on pense quatuor IXI ; que devient ce quatuor exceptionnel dont l’écoute synthétise avantageusement et Ligetti et Dutilleux ? Oucékilsoncélascars ? Plankésouléradars ?
Les Enfants d’Icare prennent place : Boris Lamérand violon et compositions, Octavio Angarita violoncelle, Olive Perrusson alto et Antoine Delprat violon.
D’emblée une remarque, ils ont tout compris de la mise en espace : ni trop près ni trop loin les uns des autres, un groupe soudé à l’argon.
Daf Algan, la pièce d’ouverture, oscille entre musique répétitive ( la tête sur une spirale sans début ni fin ) et bourrée auvergnate déjantée ( les sabots qui sautent et sursautent et tressautent ). Ce qui frappe l’oreille ? le son du quatuor, son homogénéité, la rondeur d’une bulle souple qui fait croire à une tessiture contenue dans un intervalle prédéterminé mais non mais non.
Ils détournent l’usage du quatuor pour en faire un ensemble qui oscille entre percussion et tirage d’archets répétitif dans 9 avril, un truc de scieur de long qui méconnaît la tronçonneuse et nous font voyager au grand large avec Sheebeg and sheemore, une valse lente qui sent bon son Irlande ( nostalgie, ouiskie et crottes de mouton ) avec Léa Castro en guest-chanteuse et de l’autre côté du monde avec Loin de Shandhigar qui a tout d’un raga du soir sur le son soyeux infiniment étiré à l’alto. Il n’est pas anodin d’observer que les morceaux renvoient à une forme de jazz simple et classique : thème-chorus même si les arrangements, les apports d’autres influences abondent. Et à propos de solo, une différence notable avec IXI tient dans le fait que ce dernier tente de rendre impossible pour l’auditeur de distinguer musique écrite et musique improvisée. Les Enfants d’Icare, eux, font dans l’explicite : ohé : solo !!! Solo soutenu par les pizz, les tirés d’archet, et les sons percussifs des trois autres. Avec Insomnia, on entre dans la musique du patrimoine : gros clin d’oeil à Stéphane Grapelli avec une délicieuse alternance de 4/4 et 3/4 qui déboussole : Swing ? Valse enjazzée ? Où c’est quand qu’on pose le pied ? Clément Caratini et sa clarinette s’en vient le temps d’un morceau à 7/4 ( Geamparale  ?) et bonjour la claudication. Ça sonne trètrèbô, c’est envoûtant et pas assez long....
D’un bout à l’autre, une énergie joyeuse anime ce quatuor qui sonne beau.
On les rappelle avec grand plaisir.


Le Triton
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