Jean-Louis Libois évoque, avec un temps de retard, The Big Love. Vie et mort avec Bill Evans de Laurie Verchomin, paru en septembre 2019 ainsi qu‘une nouveauté de janvier 2021 Les années folles, de Myriam Juan où il est aussi question de jazz.
Laurie Vermochin
C’est avec une bonne année de retard que nous évoquons cet ouvrage. Traduit et publié à l’automne 2019,il avait été édité 30 ans après la mort du célèbre pianiste soit en 2010. On pourra, à juste titre, objecter qu’il s’agit moins de jazz ici que du récit des amours d’avant et après concert d’un musicien cinquantenaire et d’une jeune fille de 22 ans qu’on aurait qualifiée à l’époque de libérée, tendance junkie. Nous touchons là, certes, les limites du genre du journal intime (à la manière d’Anaïs Nim, revendique Laurie Vermochin) et pourtant la cruauté des mots et la crudité des choses ( à moins que ce ne soit l’inverse) rendent cette relation des derniers mois de Bill Evans touchantes.
Passion brève et intense : en effet, rencontré dans un club en avril 79 et quitté mourant mi - septembre 80 sur son lit d’hôpital. Cette histoire amoureuse est faite aussi d’ d’absences répétées car Bill Evans est un pianiste internationalement connu et le jazz commande. Ou du moins le calendrier – qui peut nous sembler inhumain – des tournées aussi bien aux États Unis qu’en Europe. Jusqu’à l’épuisement, puisqu’effectuées par un homme rongé et épuisé par la drogue et n’abdiquant que rarement. Aussi, le jour de sa mort, annule-t-il - le concert au dernier moment pour être conduit, à sa demande, en urgence à l’hôpital.
Cette frénésie de jouer, pour repousser l’échéance de la mort, est saisissante. Ce qu’en d’autres termes le guitariste John McLaughlin formulera dans sa préface de The Big Love : « En raison de la douleur extrême causée par son abus des drogues, il devient tout aussi évident qu’à travers son art sublime, Bill nous a permis de traduire la souffrance qu’il a connue en une victoire ... »
Ajoutons qu’à cet ouvrage est adjoint un disque vinyl de l’une des sessions new-yorkaise de Bill Evans datée du 18 août 1979 avec 4 enregistrements inédits. Tous à vos platines ! (hélas pour moi !)
Editions Jazz et Cie, septembre 2019
Myriam Juan
Il y a les Trente Glorieuses, la Belle Epoque et bien sûr les Années folles ; autant de noms accolés à des périodes pas franchement historiques mais que chacun pourtant reconnait au nom d’une histoire culturelle plus ou moins diffuse et en tous cas admise. C’est ainsi, comme le note l’auteur, maître de conférences au département des arts du spectacle de l’université de Caen, que ces mêmes « Années folles » se déclinent en autant d’Années rugissantes (Angleterre, Italie), dorées (Allemagne), heureuses ou folles (Espagne) et que toutes « sont attachées à une image mêlant appétit de vivre, défoulement, modernisme et contestation des normes ». Entre deux périodes de pure folie, cela s’entend.
Ces Années folles donc, touchent aussi bien la vie publique que la vie privée, la bourgeoisie que les couches intellectuelles ; le développement de masse suivra.
En effet, en dehors du domaine artistique proprement dit, les moyens de communication (magazines, journaux, TSF) et de locomotion tels l’automobile (promulgation en France en1921, du premier code de la route et création d’un permis de conduire délivré par un expert l’année suivante), l’avion ( apparition de la première hôtesse de l’air en 1929 !) et le premier paquebot Ile de France, naissent ou connaissent un premier essor dans ces années de l’après première guerre mondiale.
L’ouvrage retient bien sûr en premier lieu les révolutions en matière de musique avec le jazz et dans le domaine architectural l’Art Déco auxquels les Années folles sont souvent identifiées en dehors, bien sûr, de la mode vestimentaire.
Le jazz se répand sous toutes ses formes : aux États-Unis (le Jazz Age) et l’avènement du « Duke » mais aussi en Europe, le jazz dans les clubs certes et le jazz dans le music- hall (avec Joséphine Baker), le jazz dans la musique classique avec Darius Milhaud , George Auric du Groupe des Six, Igor Stravinsky et Maurice Ravel, le jazz et les disques, les danses qui lui empruntent ses rythmes (cake walk, charleston…) et enfin le jazz avec le cinéma. Car si ce dernier reste muet un certain temps, il se met à parler ou plutôt à être entendu avec Le Chanteur de jazz d’Alan Crosland avec Al Johnson en 1928 (car le cinéma a toujours parlé et c’est ainsi qu’un historien du septième art préférera l’appellation « cinéma sourd » à celle de « cinéma muet » !).
Au vu de la très dense bibliographie consultée par l’auteur, on peut imaginer aisément qu’évoquer sous toutes ses facettes les Années folles en une centaine de pages, revient en quelque sorte à faire tenir cinq litres d’eau dans une bouteille d’un litre !
La collection oblige. Le pari est tenu.
Que sais-je ?/Humensis 2021
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