L’association Presqu’île Impro Jazz a été créée en 2019 et œuvre dans la région de Cherbourg pour la diffusion des musiques improvisées et du jazz par la même occasion. Un beau projet qu’on applaudit et soutient sans hésiter. Nous sommes allés écouter le duo Angelini-Erdmann le 15 octobre.
"Les hommes sont faits pour s’entendre
Pour se comprendre pour s’aimer"
Paul Éluard
Oyez, gens de la Manche et des alentours [1], il y a du jazz, du vrai, de l’improvisé à Cherbourg et dans sa presqu’île !
L’association Presqu’île Impro Jazz, née pendant l’été 2019, a déjà quelques concerts à son actif. Curieusement, nous n’avons découvert son existence que récemment alors que leur action correspond à tout ce qu’on aime et qu’on souhaite soutenir : la promotion du jazz inventif et des musiques improvisées par l’organisation de concerts ou autres évènements à composante musicale. D’ambition modeste et disposant de peu de moyens, l’association fait le choix de la qualité et de l’exigence artistique en privilégiant les petites formes (solo, duo, trio...). Pour un prix modique, on peut déguster des moments musicaux de grande valeur. Seulement quatre concerts par an avec de remarquables musiciens-artistes-artisans, c’est peu mais c’est mieux (Less is more !) !
Bruno Angelini (piano) et Daniel Erdmann (saxophone ténor) étaient invités le 15 octobre 2021 pour le septième concert depuis la création de Presqu’île Impro Jazz.
Après "La dernière nuit", leur disque poignant paru à l’automne 2019 (lire CultureJazz - 21-5/11/2019), il était intéressant de découvrir la version scénique de leur triptyque inspiré par Paul Éluard : La mort, l’amour, la vie. Et ce, dans la salle Paul Éluard, une coïncidence troublante que soulignent les duettistes.
L’écriture musicale s’articule autour de liens étroits entre poésie, littérature et histoire. Partant d’une situation des plus sombres et tragiques, en l’occurrence les dernières heures et l’exécution par le régime nazi de deux jeunes résistants allemands en 1943, Daniel Erdmann et Bruno Angelini sont parvenus à faire émerger la lumière et l’espoir. La chaleur et la profonde humanité qui transparaissent dans leur posture de musiciens illuminent la richesse poétique de leurs compositions pensées comme des chansons sans paroles.
L’alchimie singulière de l’improvisation détricote la structure préétablie. Ce qui est annoncé ou attendu se déroule autrement. Une composition en appelle une autre, les deux se mêlent (Sophie se lie à Jardin Perdu sans crier gare), les discours se croisent et le dialogue emprunte tout naturellement des chemins inattendus avec des montées en intensité poignantes (Les Sens). Il ne fallait donc pas chercher à retrouver les thèmes ordonnés du disque. Ils étaient présents en filigrane mais transfigurés en interaction avec l’instant, l’esprit du lieu, le ressenti des deux complices dans cette salle intimiste.
Au final, c’est bien la vie qui gagne.
Le recueillement, l’écoute mutuelle qui amorcent les premiers instants de ce concert amènent à une dynamique fusionnelle. Bruno Angelini parcourt le piano jusque dans ses retranchements pour apporter le soutien harmonique, mélodique et rythmique au saxophone de Daniel Erdmann, un véritable chant d’une singulière profondeur veloutée qui colle parfaitement à la poésie du moment. Ils jouent l’un avec l’autre, l’un contre l’autre mais jamais l’un à côté de l’autre.
Si Bruno Angelini et Daniel Erdmann sont portés par une connivence fertile c’est que l’un et l’autre partagent des convictions et une conscience humanistes fortes et sont préoccupés par l’état du monde et de nos sociétés au regard de l’Histoire. C’est tout le propos de cette "Dernière nuit" qui fait espérer l’aube de jours nouveaux.
Et aussi...
"La dernière nuit" est un ensemble de compositions de Daniel Erdmann, d’une part, et Bruno Angelini, d’autre part, inspirées par des poèmes de Paul Éluard comme nous l’avons souligné. Pour monter ce projet, ils ont travaillé avec Alban Lefranc, écrivain contemporain qui a écrit un texte original sur la dernière nuit de Sophie et Hans Scholl, les deux jeunes résistants avant leur exécution.
Une version plus "théâtrale" de La Dernière Nuit avait été présentée à Lyon en avril 2019 avec la comédienne Olivia Kryger.
Yves Dorison en avait fait le sujet d’une de ses chroniques pour CultureJazz en avril 2019 : à lire ici....
Prochains rendez-vous de Presqu’île Impro Jazz :
Contact : presqu-ile-impro-jazz@orange.fr - facebook.com/Presqu.ile-Impro-jazz
[1] Il est vrai que les alentours de Cherbourg, c’est surtout la mer !