Grosse affluence à l’auditorium de la fac de Jussieu pour écouter les Jeunes de l’ONJ, ensemble fort des quatorze musiciens qui ont satisfait aux exigences du recrutement
Grosse affluence à l’auditorium de la fac de Jussieu pour écouter les Jeunes de l’ONJ, ensemble fort des quatorze musiciens qui ont satisfait aux exigences du recrutement (les 134 recalés se bouffent les phalanges de ne pas en être), quatorze venus de toute l’Europe pour une expérience collective stimulante : jouer des morceaux composés au XXè siècle pour un précédent ONJ sous la houlette du même « chef », Laurent CUGNY, lequel dirige ce soir un orchestre dont tous les membres sont nés au 21è siècle : des jeunots et des jeunottes, donc.
Au fond, sur le praticable, de gauche à droite :
Victor MAISONNEUVE aux sax alto et soprano, Jérémie LUCCHESE au sax ténor, Alba ESTEBAN aux sax baryton et alto, Dmitriy LOGINOV, Ysaura MERINO et Daniel MIGLIOSI aux trompettes, Victor DECAMP au trombone, Fanni PÓSA au cor, Manon BARCELO à l’euphonium,
un poil devant : Ketija RINGA-KARAHONA aux flûte et piccolo, Jan SEEMANN à la basse électrique, au sol : Gaspard LOUËT aux claviers, Loan BUATHIER à la guitare électrique, Orélio PALADINI à la batterie et le taulier Laurent CUGNY piano électrique, composition, arrangement, direction.
Un glorieux cocorico, en passant, pour saluer l’exceptionnelle pouponnière du Département Jazz du CNSM qui compte cinq musiciens dans cet ONJ jeunes plus l’ingé son du jour (Clément COMBACAL) de l’exigente filière son du même CNSM.
Ça démarre pépère tranquille, avec Streaming out / Guinnevere, presque une berceuse pour soir pré-printanier à l’intro planante au clavier en dialogue avec le piano électrique, un coup à gauche, un coup à droite, histoire de tester notre spectre auditif et pour les porteurs de discrètes prothèses, de régler le volume et la largeur de la réception ; s’y mêlent les deux guitares et la batterie donc le quintet de base, celui qui tient la boutique. La parole circule du ténor à la guitare, mieux qu’à l’Assemblée Nationale : pas de cris, pas d’invectives, pas de noms d’oiseaux ; une tenue douce-smoothy toussensembleu-toussensembleu puis la conversation se poursuit de la flûte à la trompette au trombone enfin au cor. Rare d’entendre une corniste soliloquer. Ce qui frappe tout de suite, c’est le son, sa rondeur, son velouté, son épaisseur. Il existerait un son Cugny ? Celui qui saisit l’auditeur dans A personal Landscape et qui sonne ce soir encore ? Et qu’on pourra écouter à nouveau dans le prochain Laurent Cugny Tentet ?
Introduit par le trio de sax puis par le quintet de base, Merci-Merci-Merci se développe avec un solo de soprano joué à l’ancienne, le soliste debout devant l’orchestre, poussé par les pêches des vents qui lui disent Zyva, zyva, on est avec toi !! et complété par les soli des guitares avec, en soutien, l’intéressante combinaison sonore sax soprano-cor.
Le trompette ( Dmitriy Loginov ) s’installe devant, lui aussi, dès l’entame de Un rêve de tortue et tout l’orchestre développe un écrin velouté, un son grave et tendre dans lequel il peut se laisser aller, rien ne presse, il a tout le temps du monde et il en profite.
À cet instant, on ne peut que constater qu’ils sont rassurés ( tout se passe bien merci ), au bon endroit au bon moment, pour le morceau qui met en valeur l’orchestre façon big band : Harriet Tubman, d’après une impro de Winston Marsalis. Tout le monde s’y colle, l’opposition pupitre de sax-pupitre de trompettes fonctionne à donf, ça swingue terrible avant qu’une disruption macroniaise ne crée l’illusion de la conclusion de cette pièce : les deux claviers tapent la discute, Cugny soloïse sur les nappes déplissées et tirées par Louët. Mais ce n’est qu’une feinte : suit un très chouette solo au sax baryton, là aussi devant l’orchestre : ni Jerry Mulligan ni Christophe Moniot, simplement Alba Esteban.
Ensuite, la partie est gagnée, il n’y a plus qu’à se laisser aller : Free at Last, emmené sur un rythme élevé, ils sont chauds comme une baraque à frites, le sax ténor vient nous en raconter une, lui aussi soutenu par les riffs des vents ( toussensembleu des trompettes à l’euphonium ), impro solide, qui tient la route ; Binky’s Beam ( de McLaughlin ) introduit bien sûr à la guitare par une longue cadence ad libitum qui arrive comme une invitation à improviser : le sax alto de Maisonneuve puis la trompette bouchée de Migliosi, impro smoothy intimiste, avant que les tutti ne l’invitent à une deuxième couche sourdine enlevée ; Just My Luck ( John Scofield) intro Cugny et guitare basse, façon rock couillu, pulse en acier de rail, avec toujours la couleur du band qui varie selon que les trompettes s’y collent ou pas : sans elles, rondeur et velouté, avec elle, pointu-piquant-acéré, solo de la trompettiste Ysaura Merino qui retourne à sa place sans prendre le temps de goûter les applaudissements ( mérités !! ), solo du trombone volubile puis solo des drums a capella avant d’être rattrapé par les guitares. Le dernier morceau, le célèbrissime Fun de Miles Davis nous vaudra l’arrivée du guitariste Frédéric FAVAREL de l’ancien ONJ façon Cugny ; avec, après le solo de la flûtiste, comme un symbole de la passation-transmission entre l’avant et aujourd’hui, une battle ( pacifique celle-là ) et un très joli 4-4 entre Favarel et Buathier, la rencontre de deux générations sur un thème hors du temps. Lequel a filé plus vite qu’un collant, le public se décolle comme à regret de sa place, on ne les reverra plus, ils retournent dans les Hauts-de-France, lieu de leur résidence.
Grand plaisir !!
Auditorium
4 Place Jussieu, 75005 Paris