Le patron de l’Atelier, prévient d’entrée : pour les oreilles sensibles, des bouchons sont disponibles. Là, tu te dis : quoi quoi ?
Matthieu Malgrange, le patron de l’Atelier, prévient d’entrée : pour les oreilles sensibles, des bouchons sont disponibles. Là, tu te dis : quoi quoi ? Ce lieu dédié à l’acoustique fait dans l’électrique ? Ben oui, tout arrive. Et ce soir, le septet electrifié, cerné par les pédales d’effets se compose de : Mélanie FOSSIER voix, Delphine JOUSSEIN flûte traversière, Maëlle DESBROSSES violon alto, Rafaëlle RINAUDO harpe électrique, Xavier CAMARASA clavier, Bruno DUCRET basse électrique ( oui, il a laissé son violoncelle au placard ) et Ianik TALLET batterie.
Ça démarre comme une séquence bruitiste : l’alto et la basse aux sons tirlipotés par les petites machines y vont de leur gratouillis incandescent, la voix s’en mêle et le septet s’abandonne à une séquence free qui a tout d’une tentative d’exploration des frontières de la musique. Les auditeurs venus goûter mélodie, harmonie, douceur et autres émollients peuvent rentrer chez eux, c’est foutu. Mais personne ne s’en va, le public est emporté par cette musique de l’intranquillité. D’ailleurs il a bien fait de rester, la voix subitement s’élève, harmonieuse, mélodique, simple, reposante..... Avant que la furie n’emporte à nouveau le septet qui fait alors dans le très très hard rock, pesant, massif, chaque pulsation a la douceur du marteau pilon qui écrabouille sans égard mais avec efficacité le lingot d’acier. Elle n’est pas loin, la séance de pogo. Free, très hard rock et maintenant, musique répétitive revisitée de manière troublante : une cellule, un rythme variable, un mille-feuille de sons, une mise en place casse-gueule, le tout martelé. Ni Reich ni Glas n’ont abordé la musique répétitive avec cette véhémence qui sent la chaîne de montage soviétique, avant l’invention du casque anti-bruit, c’est lancinant, on comprend les luttes syndicales pour en finir avec le travail forcené, et il se pourrait que Kraftwerk ou l’électro allemande les aient inspiré. La harpe a glissé un solo trompeur, d’abord calme et reposant, puis énervé, les cordes froissées, plaquées, triturées.
Outre l’effet tous-hors-de-vos-zones-de-confort, cette musique qui décape les oreilles avec ténacité fait dans l’hybridation, c‘est tendance : toutes les influences se rejoignent. Il ne manque plus que la dérision et l’humour : elles trouvent leur place avec Gros canard, furieuse chanson poétique entre forge et tambours du Bronx où la voix enfile des vers de mirliton « Ah mon gros canard Hommage au canard, Magret de canard » et se lance dans une impro sans concession aucune à l’esthétique du 8è arrondissement. Quoique... puisque la remarquable vocaliste qui a plus d’un tour dans son sac et sa gorge clôt ce gros canard de belle manière lyrique : « Coin !! »
Et l’hybride c’est aussi le paroxysme, qu’il soit celui de la douceur ( flûte et alto rejoints par la voix et le clavier ) ou celui de la furiosité collective, du très écrit au totalement barré ( free donc ).
Le rappel quasi exigé par le public, est dédié à François Hadji-Lazaro, figure emblématique de la scène rock alternatif récemment disparu et rien d’étonnant pour ce concert nommé Abats d’avoir une pensée pour les Garçons Bouchers.
Atelier du Plateau
Rue du Plateau, 75020 PARIS