Deux manières d’hommage à Ornette
STEVE COLEMAN & FIVE ELEMENTS
Coutances (Manche)
Jazz sous les Pommiers
Théâtre,16 mai 20H30
Deux décennies au compteur pour ces quatre musiciens ; autant dire que la sortie de route est quasi impossible ou alors calculée, contrôlée. C’est, outre le plaisir d’entendre le leader et ses complices, l’impression qu’ont dû ressentir les spectateurs du théâtre de Coutances.
La mise en place de cette belle mécanique peut surprendre tant elle semble laisser peu de place à l’improvisation (il est vrai que le parti pris répétitif a pu confirmer ce sentiment) et pourtant cette structure contraignante initiale devient progressivement explosive. Pas de chorus ici mais un savant jeu de combinatoires ébouriffant entre Steve Coleman et le trompettiste Jonathan Finlayson, poussé par une énergie rythmique due pour une large part à son impassible bassiste électrique funky Rich Brown et à son très réactif batteur Sean Rickman.
Reste que si un tel dispositif millimétré peut refroidir les plus hésitants, c’est oublier que l’émotion peut naître aussi de l’invention qui se déroule sous nos yeux, de cet impressionnant « work in progress » dont nous sommes témoins.
Quant à la froideur de la prestation parfois évoquée ; tout entiers concentrés sur leur musique millimétrée, les musiciens ont peu le loisir de l’échange et de la connivence avec le public… jusqu’à ce que ce dispositif se débride à l’occasion de deux titres vocaux inspirés de la tradition africaine. Steve Coleman et son complice, le trompettiste Jonathan Finlayson avec leurs joutes vocales, font alors preuve de fantaisie, de spontanéité et rompent la glace en quelque sorte.
Un hommage rendu par Steve à un autre Coleman, Ornette était là pour rappeler le chemin parcouru.
Steve Coleman : saxophone alto
Jonathan Finlayson : trompette
Rich Brown : basse électrique
Sean Rickman : batterie
Photo Stéphane Barthod
FLASH PIG
Coutances (Manche)
Jazz sous les pommiers
Théâtre, 20 mai 17H30
De ce même chemin témoignait le lendemain le quartette Flash Pig en reprenant une composition de « Randolph » (véritable prénom d’Ornette), ce fondateur du jazz moderne.
Le saxophoniste Adrien Sanchez, aperçu la veille dans The Amazing Keystone Big Band qui accompagnait la chanteuse Dee Dee Bridgewater, n’en prenait pas moins pour autant ses propres marques. Ce quartette n’a-t-il pas été le finaliste de la Thelonious Monk Competition ? Son nom même, Flash Pig, peut surprendre tout comme le titre de l’une de ses compositions pourtant séduisante au doux nom de Crachat(s ?) . Humour potache ? La musique et la prestation de ces quatre musiciens, tous leaders et tous compositeurs à tour de rôle, vaut évidemment mieux que cela.
Ils sont d’ailleurs la coqueluche de la critique et la valse de références à leur égard va bon train : d’ Ornette Coleman bien sûr à Paul Motian en passant par Keith Jarrett voire Charlie Haden. On peur rêver pires références ; mais aussi flatteuses soient -elles, ce qui ce qui frappe surtout, ce sont moins celles-ci que l’originalité qui se dégage de la prestation d’ensemble. Difficile, en effet, de prévoir de quelle matière sera faite la composition à-venir. On se croirait presque dans Gnossiennes d’Eric Satie et leur volonté répétitive et minimaliste lorsque le free-jazz vient nous rappeler à l’ordre (façon de parler !). Ce contraste ne vaut cependant pas pour chaque titre ; certains sont en effet plus débridés et d’autres plus volontiers contemplatifs.
En dehors de l’originalité proprement dite de Flash Pig dans le paysage du jazz contemporain français, il faut voir le fruit d’une volonté d’associer chacun des musiciens aux compositions à tour de rôle.
Le plus longtemps possible ,(titre de leur dernier Cd), est le souhait qu’on peut formuler pour ce jeune ensemble constitué, outre du saxophoniste, Adrien Sanchez, du pianiste Maxime Sanchez, du batteur Gautier Garrigue et du contrebassiste Florent Nisse qui a déjà une quinzaine d’années de vie commune.
C’est ainsi qu’en ce même jour où à Coutances, le contrebassiste Kyle Eastwood rendant hommage, quelques minutes auparavant, aux musiques de son père cinéaste et compositeur, fêtait ses 55 ans, le contrebassiste, Florent Nisse de Flash Pig, dans la salle voisine, atteignait juste la quarantaine.
Maxime Sanchez : piano
Adrien Sanchez : saxophone ténor
Florent Nisse : contrebasse
Gautier Garrigue : batterie
Photo Sophie de Courrèges