Bien bonne surprise de pouvoir découvrir le Louisianais Robert Finley dans la Manche. Nicolas d’Aprigny, programmateur engagé de la scène Le Normandy a fait fi de quelques présupposés qui auraient pu éloigner de sa salle labellisée musiques actuelles un artiste sur le point de fêter ses soixante dix ans.
En guise d’alibi Nicolas d’Aprigny pourrait objecter que le dénommé Robert Finley évolue en qualité d’artiste émergent, ayant ouvert sa discographie que récemment et qu’à ce titre il mérite tous soutiens possibles et force encouragements.
Dans un souffle brulant propagé de la scène à la salle, Robert Finley fait son apparition au bras de sa fille Christy Johnson.
Précisons ici qu’à l’instar de nombreux artistes de la soul, du blues ou du gospel, longtemps Robert Finley, chanteur-guitariste, ne se produisait qu’à moins d’une heure de route de sa résidence de Winnsboro (Louisiane) dans des salles approximatives en dehors de ses heures d’activité de menuisier. Que Robert n’a jamais quitté son terroir natal jouxtant le Mississipi.
Mais subitement devenu mal-voyant, le natif de Bernice (Louisiane) s’est investi à temps complet dans la musique qui l’habitait. Une histoire relevant à bien des égards du conte de fée quand son talent fut sorti de l’ombre par le producteur Dan Auerbach lui-même chanteur-guitariste.
Trois disques remarqués en commun dont le dernier gratifié de belles médailles dont celle de notre Académie Charles Cros.
En tournée européenne, Robert Finley fonctionne avec un trio anglais, The Sierra Band réunissant de jeunes musiciens au fait de toutes les nuances du Southern Soul.
Au programme, prédomine le répertoire du disque « Black Bayou » merveille siglée Dan Auerbach pour son label Easy Eyes Sound (Concord). Pépite de cet enregistrement comme moment fort du concert de Saint-Lô la composition « You Got It (And I Need It) » mettant en lumière l’exceptionnelle voix de Finley, sa capacité à exposer dans un même titre des tonalités de falsetto suivies de profonds élans de ténor gutturaux. Robert Finley, plume facile signe toutes les chansons, va à l’essentiel ne jouant pas de guitare dans cette tournée, prolonge la transe de son Bayou d’une gestuelle singulière. Autres titres addictifs : « Nobody Wants To Be Lonely » , « Miss Kitty », « Alligator Bait » … disent son propos, ses univers, son goût de la danse partagé par un public aux anges. Finley possède encore la fraicheur des débutants, ceux qui s’expriment naturellement sans posture, comme s’il venait de sortir des marais du Bayou.
Au milieu du concert, Robert Finley laisse le micro à Christy Johnson pour deux titres dont le « Clean Up Woman » tube r&b magnifié jadis par Betty Wright.
La température ne descend pas et le toujours souriant Robert Finley reprend le fil de son récit. Robert est du genre bavard, se plait à mettre l’auditoire dans nombre de confidences allant de l’hygiène de vie, la solidarité avec le troisième âge où la nécessité impérieuse de présence féminine.
Finley garde une foi intacte, précise : « Je veux que les gens comprennent que je ne peux pas être gardé dans une boîte. J’aime faire toutes sortes de musiques, tout ce qui compte pour moi, du gospel au blues, en passant par la soul, le country et le rock. Et j’aime me démarquer et être différent, et faire des choses qui atteignent les jeunes et les personnes âgées. Ce que je veux que tout le monde sache de ma propre expérience, c’est que vous n’êtes jamais trop jeune pour rêver, et que vous n’êtes jamais trop vieux pour que votre rêve se réalise ».
Le temps ne compte plus ce vendredi soir pour Robert Finley qui prétexte juste la fin de son copieux show par le désir de retrouver ses fans dans la salle et leur offrir poignées de mains et bises pour les dames.
The Sierra Band : Liam Hart : guitare / Ollie Hopkins : basse / Charlie Love : batterie
Le Normandy, scène de musiques actuelles - Saint-Lô, Manche
Vendredi 9 février 2024. 20h30